Motability, 580 000 voitures gratuites en Angleterre

Conduire quand on est en situation de handicap à l'étranger ? Focus sur le système anglais, " Motability ", qui met gratuitement à la disposition de tous les conducteurs handicapés des véhicules adaptés.

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C'est avec un accent délicieusement british que Peter Wagstaff nous conduit à la découverte de son Angleterre natale, en voiture, évidemment. Quelle est la situation des personnes handicapées au-delà du Channel ? En charge des dossiers internationaux au sein du CEREMH (Centre de ressources et d'innovation mobilité handicap, en France), Peter évoque le dispositif « Motability ».
Ce concept, mis en place dès 1978 (à l'origine il avait permis d'écouler les stocks de véhicules non vendus à cause de la crise !) devrait faire saliver bien des frenchies handicapés, et pas seulement les conducteurs. Car, en effet, Motability met à disposition des parents d'enfants handicapés moteur de plus de trois ans une voiture « gratuite ». Il en va de même pour les conducteurs en situation de handicap. Au total, ils sont 1.78 millions à disposer tous les mois d'une « allocation mobilité » de 252 euros (pour le niveau supérieur, soit les personnes lourdement handicapées), destinée à financer la mobilité. Ces allocations peuvent être utilisées librement, y compris pour l'achat (ou plutôt la location avec option d'achat) des aides techniques telles qu'une voiture aménagée, un fauteuil roulant ou un scooter, à des prix extrêmement réduits.

En Grande-Bretagne, la personne handicapée a un autre privilège : celui de pouvoir conduire sa voiture Motability à partir de 16 ans, un an avant les « valides » !

580 000 véhicules adaptés


Plus d'un demi-million de britanniques en situation de handicap ont donc choisi d'investir cette allocation dans le financement d'un véhicule aménagé, qui comprend également l'assurance, l'entretien et le dépannage. Certains modèles peuvent atteindre 100 000 euros ! L'allocation mobilité ne suffisant pas, les allocataires doivent parfois assumer une charge à leur propre frais en début du contrat (mais seulement pour les véhicules les plus chers), mais peuvent aussi prétendre à un fond gouvernemental spécifique qui accorde chaque année près de 20 millions de livres à ces équipements exceptionnels. D'autres allocations sont également consenties par certaines associations et organisations caritatives. 4000 modèles de voitures sont disponibles dont environ 400 sans avance de fonds ! La flotte Motability est aujourd'hui composée de 580 000 voitures particulières dont environ 400 000 sont conduites par les personnes handicapées elles-mêmes. 1 100 d'entre elles sont aménagées pour la conduite en fauteuil.

Le principe du leasing


A l'issue d'une période de 3 ou 5 ans (selon le degré de handicap et le niveau des aménagements), le bénéficiaire a le choix entre une option d'achat ou le remplacement par un véhicule neuf adapté (ils sont 95% à faire ce choix). C'est le principe du leasing ! Les véhicules avec des modifications lourdes sont généralement repris par leurs constructeurs/transformateurs qui les destinent ensuite au marché de l'occasion. Ce système permet ainsi aux personnes âgées, à mobilité réduite, qui n'ont pas la chance de bénéficier de Motability, de trouver des véhicules adaptés et bien entretenus à moindre coût. Il faut savoir que ce dispositif ne coûte rien au gouvernement. C'est une entreprise privée qui le gère ; tous ses bénéfices sont utilisés pour financer les véhicules ou les évaluations et la formation de ceux qui n'ont pas encore obtenu leur permis.

Motability à la française ?


En 2009, Nadine Morano, Secrétaire d'Etat chargée de la Famille et de la Solidarité, a déclaré qu'elle souhaitait instaurer un système semblable à l'outil anglais, en France, dès 2010. Le projet envisagé devait également comprendre la mise en place d'un réseau de centres de conseil et d'évaluation régionaux qui auraient permis aux personnes en situation de handicap d'accéder au permis de conduire. Peter Wagstaff a rencontré Camille Canuet, conseillère de Mme Morano, et Thierry Dieuleveux, secrétaire général du comité interministériel du handicap, en janvier 2010, pour leur faire part du fonctionnement de ce système. Il a également établi un rapport détaillé en vue d'une réunion interministérielle sur le sujet, à Matignon, quelques jours plus tard. Le 5 février, à Sablé-sur-Sarthe, le premier ministre, François Fillon, a annoncé que des mesures spécifiques seraient prises en faveur des personnes à mobilité réduite. Il a souligné le coût important des véhicules adaptés, que ne parviennent pas à couvrir les allocations françaises, et a évoqué l'exemple anglais. Nadine Morano était chargée d'établir, avant trois mois, des propositions concrètes pour sa mise en place...

Un système trop cher ?


Nous sommes en 2011, et rien de nouveau à l'horizon. Mais la version anglaise est-elle réellement plus avantageuse que le système français ? Question posée à Peter Wagstaff ! « En France, le montant de l'allocation pour les adaptations de véhicules est plafonnée à 5 000 euros tous les 5 ans, auxquels il faut ajouter 10 0000 euros versés par l'Agefiph ou le Fiphfp pour la mobilité de ceux qui travaillent. Mais ils ne servent que pour les aménagements ou pour financer les transports et ne sont donc pas destinés à l'acquisition du véhicule. Les personnes qui n'ont pas de revenus ne peuvent se payer le luxe d'acheter une voiture contrairement au dispositif anglais qui s'adresse à tous. En France, on n'est pas compensé pour assurer sa mobilité si on ne travaille pas !

Service de transport PAM : 34 mois d'attente ?


On préfère investir des sommes importantes dans le service de taxis, par exemple le PAM. Or, la flotte ne suffit pas à assurer les transports de tous les usagers handicapés. Environ 280 000 déplacements sont orchestrés chaque année, par exemple, à Paris. 50% d'entre eux sont effectués par 7% des utilisateurs pour se rendre à leur travail (chiffres 2008). Les 93% restants (environ 5 400 personnes) doivent partager 140 000 déplacements, soit environ un déplacement aller/retour par mois pour chacun. On comprend alors que certains utilisateurs se voient refuser leurs demandes une fois sur deux ! Or on estime à 1% de la population, soit 20 000, le nombre de Parisiens susceptibles d'utiliser ce service (d'autres enquêtes placent cette barre à 6, voire à 10%). Sur la base de ce dernier chiffre, si chacun d'eux décidait de faire valoir ses droits, il faudrait attendre 34 mois entre chaque sortie !

Au final : un coût plus avantageux


Il va donc falloir encore investir davantage pour proposer une offre qui sera, au final, encore « insuffisante », et surtout contraire aux principes écologiques puisque les véhicules PAM doivent se déplacer sur de longues distances pour aller d'un client à l'autre, pour, finalement, n'assurer des courses que de 7.5 km et 35 minutes en moyenne. Le rapport que Peter Wagstaff avait, à l'époque, remis au cabinet de Madame Morano pour appuyer la création d'un « Motability à la française » est resté sans suite. Une source proche des ministres concernés a indiqué que le système coûtait trop cher et qu'il n'était pas adapté à la mentalité du gaulois qui préfère posséder plutôt que louer ! Or la dépense moyenne pour les utilisateurs réguliers du service PAM est d'environ 300 € par mois, 20% de plus que les 252 € des allocations de mobilité en Grande-Bretagne, sans que le bénéficiaire ne soit en mesure de se déplacer librement ni propriétaire pour autant. Devant un tel constat, un sondage s'impose ! La question est posée : « Propriété ou liberté » ? A vous de voter !


Conduire un véhicule en fauteuil manuel : le veto français !
http://informations.handicap.fr/art-conduite-transports-17-4345.php

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