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Le travail doit être un lieu d'humanité !

La Croix-Rouge Française a également pour vocation d'accompagner les personnes vulnérables vers l'emploi. Les travailleurs d'Esat étaient au cœur du colloque " Le sens du travail " en mai 2012. Conversation avec Jean-François Mattei...

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Handicap.fr : Le 16 mai 2012, la Croix-Rouge française organisait un colloque sur le thème « Le sens du travail. Accompagner vers et dans l'emploi les personnes vulnérables. » Quel est le lien avec les actions de la Croix-Rouge ?
Jean-François Mattei
: Oui je sais, cela peut surprendre de la part de la Croix rouge qui est davantage perçu comme un acteur de l'urgence humanitaire ou sociale. On pense rarement qu'elle accompagne aussi les personnes vulnérables dans la durée. Les solutions provisoires stigmatisent, et, au motif d'aider, renforcent en réalité l'exclusion. Lors de cette journée, nous avons donc partagé, avec de nombreux intervenants, des idées pour que chaque personne puisse s'épanouir en menant une vie profondément humaine. Et cela passe évidemment, pour ceux qui le souhaitent, par une activité professionnelle. Nous avons ainsi pu débattre autour de l'enquête Croix-Rouge française - Solidarités Nouvelles face au chômage (SNC) - Association nationale des directeurs et cadres d'ESAT (ANDICAT) sur le sens du travail.

H.fr
: La Croix-Rouge française s'impose donc comme un acteur important de l'accompagnement vers l'emploi ?
JFM
: Oui, elle accueille des personnes vulnérables, en situation de précarité ou de handicap. Ce sont 2 800 places d'hébergements ou de logements adaptés ouverts à l'année, et 1 000 places supplémentaires en période hivernale, et 600 travailleurs handicapés accompagnés en Esat (Etablissements et services d'aide par le travail). Un toit, un repas, une couverture ne font pas seuls le retour d'une personne à une existence autonome. C'est dans la durée que se tisse la relation humaine qui permet le retour à une vie digne, c'est-à-dire une vie où les dispositifs d'aide et de soutien sont aussi légers et discrets que possible.

H.fr
: Il faut donc sortir de la logique d'assistance ?
JFM
: Evidemment. La logique d'assistance, ce sont toutes les solutions proposées pour palier une fragilité, sans permettre réellement une montée en compréhension, en compétence, en ouverture au monde, en épanouissement. Elles ancrent la personne dans la situation de dépendance plutôt qu'elles ne l'en font sortir. Elles stigmatisent et, au motif d'aider, pérennisent l'exclusion en renforçant chez ces personnes la conviction qu'elles ne sont dignes que de cela, alors qu'il faudrait au contraire les accompagner à espérer plus pour elles-mêmes et à construire plus avec et pour les autres. Nos dispositifs ne valent que si nous en partageons le sens avec ceux auxquels ils sont destinés.

H.fr
: Pourquoi s'intéresser, cette année, plus particulièrement à l'emploi ?
JFM
: Dans cette période de mutation sociale, la Croix-Rouge souhaite contribuer à la réflexion collective mais avec un regard un peu différent sur la question du sens du travail car elle est souvent posée par et à l'intention de personnes qui sont déjà dans l'emploi. Alors que nous nous intéressons à ceux qui ont des difficultés à en trouver et à l'exercer en raison d'une fragilité particulière.

H.fr
: Comment la Croix-Rouge compte-t-elle agir pour proposer aux personnes fragiles une aide plus cohérente et durable ?
JFM
: Il faut pour cela améliorer nos propres dispositifs d'accompagnement car ils soulèvent peut-être autant de questions qu'ils n'en résolvent. Que penser lorsque les solutions ne sont que temporaires et l'optique de réinsertion rapide, alors que la personne aurait besoin de temps pour se poser et se réhabituer au rythme du travail, à la relation avec une équipe, à la nécessité de suivre des consignes de façon un peu rigoureuse ? C'est pourquoi nous avons souhaité, à travers cette grande enquête, recueillir leur parole car, toutes vulnérables qu'elles sont, ces personnes doivent être les premières entendues sur les dispositifs qui les concernent, pour qu'ils aient une chance de fonctionner durablement.

H.fr
: Cette enquête a permis de dégager trois engagements majeurs. Lesquels ?
JFM
: Le premier, c'est la dimension de temporalité. L'activité professionnelle a un lien avec le rythme de vie et structure l'existence partagée avec les autres. L'absence d'activité engendre une déstructuration du temps, l'ennui. Le travail a une fonction essentielle pour les personnes dont la vulnérabilité les rend incapables d'organiser leur temps.

Le second, c'est l'altérité. En d'autres mots, le lien social. Le travail est un lieu de socialisation, fusse-t-il conflictuel, un lieu de rencontre où l'on côtoie des cultures différentes. Le travail inscrit la personne dans une communauté culturelle spécifique et plus largement dans celle des Hommes. L'isolement est l'un des maux les plus silencieux mais aussi le plus puissant qui touche ceux qui ne peuvent pas travailler.

Le troisième et dernier point, c'est la finalité, c'est-à-dire la source de reconnaissance qui nait du travail, une histoire à raconter, un quotidien dont on peut parler avec les autres. Se décrire comme quelqu'un qui travaille c'est exister aux yeux de ses proches. C'est la fierté qu'on peut lire, pour une femme, dans les yeux de ses enfants.

H.fr
: La reconnaissance sociale à travers le travail, c'est donc une question majeure ?
JFM
: Oui, bien sûr. Souvenez-vous des Lettres de mon moulin d'Alphonse Daudet. Maître Cornille n'avait plus de blé à moudre. Alors, pour ne pas perdre la face, il parcourait la campagne, à longueur de journée, avec son âne, en transportant des sacs... qui ne contenaient rien d'autre que du plâtre ! Ce meunier avait besoin de son travail pour continuer à exister, aux yeux des autres et à ses propres yeux. Cette fable illustre en tout point mon propos.

H.fr
: Le travail, c'est aussi et avant tout, une question financière ?
JFM
: Oui, évidemment, car, comme le disent les chômeurs, « Sans argent, tu ne fais rien ». Mettre les siens à l'abri du besoin et ne pas, soi-même, dépendre du bon vouloir d'autrui ni de l'assistance, mais, encore une fois, en espérant en même temps l'accomplissement de soi dans le meilleur des cas. A travers le travail se joue quelque chose de l'humain qui échappe à la rémunération.

H.fr
: Pour tous les travailleurs, c'est donc se concevoir comme un être de ressource et de créativité ?
JFM : Oui. Apporter leur propre contribution à quelque chose de commun, c'est l'enseignement majeur de tous les propos que nous avons recueillis. Je vais vous citer une des personnes interrogées : « Le chômage, c'est ne plus exister ou ne plus m'habiller. Je suis invisible alors qu'il y a quelque temps, pour tout le monde, j'étais quelqu'un de bien. » Le paradoxe du travail et de l'activité rémunérée, c'est qu'il est créateur de valeur, au-delà même du prix. C'est l'occasion de la découverte de soi et du monde. Par le travail, j'accède à mes propres capacités et je suis détenteur d'une dignité. Le travail doit être un lieu d'humanité.

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