Handicap.fr : Les 164 athlètes de l'équipe de France sont réunis à Lille. Quel est l'état d'esprit du groupe ?
Gérard Masson, également chef de la délégation française : Franchement excellent. Ils couchent tous dans le même hôtel, sauf les voileux qui n'ont pas trouvé la mer à Lille. C'est une prouesse d'avoir déniché un hôtel accessible car il faut savoir que 40 % de nos athlètes sont en fauteuil-roulant. C'est la première fois que nous arrivons à organiser une réunion aussi importante car, jusqu'à maintenant, il était difficile de trouver des terrains d'entraînement pour toutes les disciplines. Ils sont dispersés sur 7 ou 8 villes de l'agglomération lilloise.
H.fr : Mais pourquoi Lille ?
GM : Parce cette métropole nous a invités. Dans le cadre de son opération « 2012, le plus grand terrain de Jeux », elle s'est transformée en base avancée des Jeux de Londres, aussi bien valides que para. Il y a pas mal de pays qui se sont retrouvés ici. Et puis, en 2002, Villeneuve-D'ascq avait déjà organisé le championnat du monde d'athlétisme handisport.
H.fr : Avez-vous déjà visité les installations olympiques à Londres ?
GM : Oui, parce que je fais partie du comité paralympique. A plusieurs reprises mais à doses homéopathiques, pour des questions de sécurité. J'y suis allé avec David Douillet et ai même porté la flamme.
H.fr : Alors, quel est votre verdict sur ce cru 2012 ?
GM : Il y a de très belles installations, y compris pour les sportifs handicapés. Je n'ai aucun doute sur la qualité des prestations de nos amis anglais car ils ont intégré les notions d'accessibilité depuis longtemps déjà. Quand vous arrivez en fauteuil-roulant à la gare de Saint-Pancras, vous n'avez que l'embarras du choix : 70 taxis pour vous, les fameux noirs, tous accessibles par un plan incliné. Un peu raide, certes, mais le chauffeur ne rechigne pas à vous donner un coup de main. A Paris, c'est une autre histoire...
H.fr : Ok. Les Anglais sont au top. Mieux que les Chinois lors des Jeux de Pékin en 2008 ?
GM : Ce n'est pas le même genre. Pékin, c'était vraiment parfait mais parce que vous aviez quatre Chinois par fauteuil. Ils m'ont même emmené sur la Muraille de Chine. Le comité d'organisation avait compensé partout avec une flopée de bénévoles. En Angleterre, on mise sur l'autonomie individuelle ; en Chine, sur le coup de pouce humain.
H.fr : En termes de notoriété, ces Jeux paralympiques 2012 répondent-ils à vos attentes ? Vous sembliez déplorer le manque d'intérêt des médias...
GM : Ça s'améliore tout doucement, et certains medias comme BMF TV ou TV5 Monde jouent vraiment le jeu. Mais, au fin fond de la France, on ne regarde que France Télévisions. Et là, c'est la misère. Un 52 minutes en troisième partie de soirée, quel intérêt ? Nous espérions au moins 5 ou 6 minutes chaque jour à une heure de grande écoute. Je ne cherche pas à polémiquer mais qu'on nous le dise clairement « Les paras, on n'en veut pas ! ».
H.fr : On voit que ce manque de considération vous énerve...
GM : Oui, parce que, je l'admets, il y a encore quelques années, les paras n'avaient pas grand-chose à offrir en termes de « spectacle ». Mais, aujourd'hui, c'est devenu une belle et grande compétition, avec de vrais athlètes.
H.fr : Et le service public ne joue donc pas son rôle ?
GM : Evidemment ! C'est pourtant sa responsabilité. Alors, on peut toujours prétexter que le public n'en veut pas mais si on ne lui en donne pas, on ne saura jamais. Il faut bien valoriser un peu le handisport pour que les téléspectateurs finissent par mordre à l'hameçon...
H.fr : Justement, pour donner plus de visibilité aux Jeux paralympiques, certains suggèrent qu'ils soient à l'avenir organisés en même temps que les JO valides. Qu'en pensez-vous ?
GM : Que c'est tout simplement impossible pour des raisons financières et de logistique. Cela obligerait à réquisitionner tous les sites pour notre usage unique. Je m'explique : il y a, par exemple, cinq fois plus d'épreuves en natation que chez les valides. Idem en athlétisme. Et je crois que c'est encore pire en tennis de table, tant il y a de catégories de handicaps. Il nous faut une journée entière rien que pour les remises de médailles...
H.fr : Bon alors, autre option : les Jeux para quinze jours avant...
GM : Franchement, avant ou après, je ne vois vraiment pas l'intérêt en termes de retour d'image. Je crois même que c'est un avantage que les valides expérimentent les installations avant nous ; ils y apportent parfois quelques améliorations et nous laissent même un peu de matériel. Tout bénef pour nos 4 200 athlètes !
H.fr : Histoire de pinailler, alors pourquoi si tard, quinze jours après ?
GM : C'est une question d'horloge biologique et climatique. Il faut compter un jour de récupération par heure de décalage horaire. Comptez : douze fuseaux au maximum, douze heures de décalage et donc une douzaine de jours pour récupérer. C'est vraiment du haut-niveau alors pas question de tergiverser avec le physique de nos sportifs. Certains arrivent même un mois avant pour encaisser le « jet lag ».
H.fr : Vous les sentez comment ces Jeux pour l'équipe de France ?
GM : C'est une très belle équipe si on regarde le classement mondial. Mais certains pays, jusque-là très effacés dans la sphère handisport, arrivent avec une motivation décuplée et peuvent vraiment créer la surprise.
H.fr : Avez-vous une tactique imparable pour motiver vos troupes ?
GM : Il y a un principe très simple : il nous faut une médaille dès le premier jour ! A Vancouver, pour les Jeux paralympiques d'hiver, la France est restée six jours sans médaille ; terrible pour le moral ! A Londres, ils seront 164 à se regarder dans les yeux et n'attendront qu'une victoire pour amorcer le processus. Une belle médaille nationale agit comme un détonateur, et l'envie de gagner devient alors très contagieuse. Ils doivent surtout se dire que les Jeux para, ce n'est pas demain, pas dans quatre ans ; c'est maintenant.
H.fr : Nos athlètes peuvent-ils compter sur le soutien de nos dirigeants ?
GM : François Hollande a annoncé qu'il leur rendrait visite. Valérie Fourneyron, ministre des sports, fera le voyage avec nous. Quant à Marie-Arlette Carlotti, ministre en charge des personnes handicapées, elle assistera à la cérémonie de clôture...
Interview réalisée par Emmanuelle Dal'Secco
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