(Suite) La discrimination à l'embauche permet-elle encore d'expliquer totalement la situation des demandeurs d'emploi handicapés ?
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Enfin, même si le nombre de réponses positives fut trop faible pour en retirer des calculs statistiques fiables, une hypothèse forte émerge: les entreprises lorraines de plus de 20 salariés seraient significativement (à .08) plus sensibles, par rapport à celles de moins de 20 salariés, aux avantages liés à l'embauche de secrétaires-comptables handicapées. Pour autant, il n'a pas été possible de distinguer les effets sur les entreprises, d'une part, des avantages liés aux compétences développées dans la compensation du handicap, et d'autre part, de l'obligation d'emploi et des modalités d'encouragement à l'embauche de « travailleurs handicapés ».
Les différences de conclusions entre l'étude initiale de J-F Ravaud et celle de l'AMIH démontrent que l'efficacité d'une candidature à l'embauche provenant de personnes handicapées dépend de nombreux facteurs individuels, contextuels et socio-historiques. Nous pouvons ainsi supposer que la loi contre les discriminations, 15 ans d'application de celle de 1987 et l'action des Cap Emploi de Lorraine ont largement contribué à l'évolution des comportements des entreprises lorraines en matière d'embauche des personnes handicapées.
Toutefois, ces résultats doivent nous inciter à la prudence. En effet, cette expérience ne constitue qu'une approche localisée du processus de candidature des personnes handicapées. D'autres études peut-être plus qualitatives pourraient l'envisager de façon plus globale en abordant aussi, par exemple, la problématique de la gestion du handicap lors de l'entretien d'embauche. De plus, ces résultats comme ceux de J-F Ravaud ne sont valables que pour des situations particulières engendrées par la démarche expérimentale, ici pour des candidatures à des postes de secrétaires-comptables dans la région lorraine.
Une seule conclusion globale peut être affirmée ici : même si la situation de l'emploi des personnes handicapées reste préoccupante, elle ne peut être imputable à un comportement global et généralisé de rejet et de discrimination de la part du milieu ordinaire de travail. Approfondir la compréhension des phénomènes en jeu dès les premières rencontres entre les demandeurs d'emploi handicapés et les entreprises apparaît alors nécessaire pour orienter les politiques et les pratiques en matière d'intégration professionnelle des personnes handicapées, améliorer la préparation psychologique de ces derniers et mener une communication adaptée vers les entreprises. Psychologue, il me semble par exemple, qu'étant donné que chaque présentation de soi actualise des stratégies identitaires préexistantes, plus ou moins conscientes, la mise à disposition d'une consultation psychologique spécialisée soit nécessaire dans le dispositif d'insertion professionnel des personnes handicapées.
Vincent HAREL,
administrateur de l'AMIH et chargé de l'étude.