Un mort par suicide toutes les 40 secondes dans le monde ! « Ce chiffre doit être largement relayé par tous les medias », assène la Fondation FondaMental lors d'une conférence de presse. La principale « coupable », à qui l'on attribue 70 % de ces passages à l'acte ? La dépression ! Cette maladie à part entière, la plus courante des maladies psychiatriques, reste incomprise, largement sous-estimée dans son importance et ses conséquences, mal diagnostiquée et traitée ; elle touche pourtant 2,5 millions de Français (à 62 % des femmes) et représente 50 % des congés maladie de longue durée. 16 % des personnes traverseront un épisode dépressif au cours de leur vie. Parmi elles, 6 000 se donneront la mort chaque année. Au-delà des chiffres, alarmants, ce sont des vies qui sont dans l'errance et des médecins qui refusent de s'occuper des malades psychiatriques par peur…
Un film sucré-salé
A l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, le 10 octobre 2019, en partenariat avec la Fnapsy (Fédération nationale des associations d'usagers en psychiatrie), la Fondation FondaMental lance, après les troubles bipolaires (2017) et la schizophrénie (2018), une grande campagne digitale volontairement « un peu provoc » pour en finir avec ce fléau et surtout les idées reçues sur la dépression. Son film s'intitule « Le petit passage à vide. ». Un ton ironique pour un sujet grave. Il fait le parallèle avec d'autres pathologies dont il ne viendrait l'idée à personne de contester la gravité des signes cliniques, par exemple un homme sur le point de recevoir un nouveau cœur à qui l'on conseille de faire un peu de sport pour aller mieux. Et en guise de traitement à cette femme atteinte d'une « petite dépression » ? Se changer les idées en allant au cinéma voir une comédie !
Pourquoi, dans le cas de la dépression, se permet-on d'être aussi « léger » ? « Tu pourrais te ressaisir, fais un effort, bouge-toi un peu ! », voilà ce qu'entendent certains patients, à qui l'on reproche leur faiblesse de caractère quand ils vivent au fond d'un abîme où chaque geste, chaque intention, chaque pensée est une épreuve… On entend moins souvent : « Tu es malade alors trouvons de l'aide pour te soigner ». Une dépression majeure sur deux n'est pas traitée. « Tout le monde pense comprendre la dépression, en avoir fait l'expérience et savoir comment on en sort, explique Claude Finkelstein, présidente de la Fnapsy. En vérité, très peu ont conscience de l'enfer vécu par le malade, de l'annihilation totale de la volonté, de la disparition de tout espoir, de la terrible culpabilité qui nous tenaille. »
La dépression qui résiste
20 à 30% des épisodes dépressifs majeurs ne répondent pas aux traitements standards, aujourd'hui largement codifiés ; on parle alors de dépression résistante. Son pronostic est sombre, associé à un risque majoré de suicide et au développement de pathologies somatiques chroniques (diabète, obésité, problèmes cardio-vasculaires…), tandis que les stratégies thérapeutiques restent empiriques et mal évaluées. Pour répondre aux enjeux de diagnostic et de prise en charge, la Fondation FondaMental a créé, en 2012, un réseau de 13 consultations dédiées à la dépression résistante. Ces « Centres experts » ont pour ambition de proposer aux patients un parcours de soin unique qui intègre une expertise médicale de pointe et des travaux de recherche. Plus de 300 d'entre eux ont bénéficié de ce dispositif comprenant une prise en compte globale du quotidien (exercice physique, qualité de l'alimentation…) et des autres troubles psychiatriques souvent associés.
Le syndrome métabolique
Un travail de recherche a été conduit qui porte sur les liens étroits entre dépression résistante et le syndrome métabolique ou SM (cet ensemble d'anomalies comprend l'hypertension, l'obésité abdominale, un taux élevé de glycémie et des anomalies lipidiques, et affecte également certaines personnes bipolaires, schizophrènes ou autistes) qui accroissent le risque de maladies cardio-vasculaires, de diabète et d'accident vasculaire cérébral. Or 70 à 80 % des patients déprimés ne sont pas traités pour ce syndrome (sauf pour le diabète), déplore FondaMental. Selon Claude Finkelstein, « les psychiatres nous disent 'on soigne votre souffrance morale d'abord et on s'occupera du reste après'. J'ai moi-même fait l'expérience du SM et j'ai dû subir une chirurgie by-pass sans laquelle je ne serais probablement pas là aujourd'hui. » Pour le Pr Marion Leboyer, directrice de la Fondation FondaMental, « cette étude, la première du genre, conduite à partir des données recueillies en Centres experts, établit que la dépression résistante accroît le risque de SM, tandis que le SM diminue l'efficacité des antidépresseurs. Cela vient rappeler la nécessité absolue d'une prise en charge globale de la dépression, incluant les dimensions psychiatriques, somatiques et cognitives. »
Dépression, quels signaux d'alerte ?
On parle de dépression lorsque la personne réunit au moins cinq symptômes pendant une période d'au minimum deux semaines : douleur morale (tristesse inhabituelle) et/ou perte de plaisir et incapacité d'accomplir les actions de la vie quotidienne (se lever, aller travailler, se faire à manger), fatigue, perte d'énergie, baisse d'appétit, troubles du sommeil, difficultés d'attention et de concentration, irritabilité, pensées suicidaires, diminution importante de l'estime de soi, ralentissement psychomoteur ou encore présence de douleurs physiques qui semblent inexplicables.
Dans le cadre de la campagne 2019, les personnes qui souhaitent en savoir plus peuvent se rendre sur le site dédié (en lien ci-dessous) et y laisser leur adresse mail pour obtenir des informations complémentaires. Son credo : #LaDépressionCestDuSerieux.