Comment passer un appel d'urgence lorsqu'on est sourd ? Depuis septembre 2011, il existe un numéro dédié : le 114. Comment ça marche ?
114, mode d'emploi
Je suis témoin ou victime d'un accident de la route. Je prends mon mobile pour rédiger un message court mais explicite qui décrit le plus précisément possible la situation : « Accident de voiture, 18 route des bois, Chambray-les-Tours ». Puis je l'envoie au 114. Entre 30 secondes et une minute plus tard, le 114 m'envoie un accusé de réception automatique qui indique : « Le 114 a bien reçu votre SMS et répond bientôt ». Puis un agent du 114 complète l'envoi automatique et demande des précisions. Il fait l'interface et relaie les messages reçus, demandes et alertes vers les services spécialisés et numéros d'urgence 15 (SAMU), 17 (police et gendarmerie) et 18 (pompiers) sur l'ensemble du territoire national. Il me prévient de l'arrivée prochaine des secours.
24h sur 24
Ce numéro, prévu par la loi handicap de 2005, est géré par le Centre national de relais des appels d'urgence dédié aux personnes sourdes et malentendantes, un service créé au sein du centre hospitalier universitaire de Grenoble. Gratuit, 24h/24, 7j/7, sur le territoire métropolitain, il est accessible principalement par SMS depuis la généralisation des téléphones portables mais également par fax. A ce titre, quelques restrictions tout de même, notamment le risque de saturation des appels le 31 décembre à minuit. Cet outil performant fonctionne avec des agents pour partie sourds, tous formés à l'urgence, garantissant ainsi la bonne prise en compte des appels. Depuis sa mise en service, le nombre d'appelants a progressé régulièrement pour atteindre environ 10 000 chaque année.
Conversation totale en 2018
« Taper des SMS lorsque l'on est effrayé n'est pas évident !, explique une utilisatrice. Alors j'espère la mise en place prochaine de la visio-conférence pour pouvoir recevoir des vidéos en langue des signes ». Elle devrait être bientôt exaucée puisque le principe de « conversation totale » est annoncé. Les usagers pourront alors disposer des images vidéo, de l'écrit et du son, simultanément ou séparément, et bénéficieront ainsi d'un meilleur accès à ce numéro d'urgence (par langue des signes notamment) ; le service sera aussi accessible aux personnes aphasiques et sourd-aveugles. Ce dispositif offre également une possibilité d'appel discret en cas de violences conjugales, prise d'otage ou terrorisme. La plate-forme de conversation totale a été livrée au CNR en 2017, avec plus de deux ans de retard ; elle est en phase de tests, de même que l'application pour «smartphone», et doit être opérationnelle début 2018. Le CNR 114 sera ainsi en avance sur les évolutions des autres systèmes d'urgence français (SI-SAMU et SGA-SGO de la sécurité civile) qui se déploieront après 2020 mais également sur ce qui se pratique à l'étranger.
Un nouveau rapport
L'Inspection générale de l'administration (IGA) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) vient de remettre son rapport sur le 114, disponible en ligne (document de 74 pages en lien ci-dessous). Il fournit un bilan du fonctionnement de ce centre et précise ses perspectives avec une attention particulière accordée à l'évaluation des coûts de déploiement et de fonctionnement de cette solution technologique et la mise en perspective de ce projet avec d'autres projets de modernisation des centres d'appels. Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, se dit « attentive à l'évolution de ce service performant et innovant, véritable enjeu pour garantir la possibilité de vivre en autonomie aux personnes sourdes et malentendantes ».
Le faire connaître
De son côté, Jérémie Boroy, délégué général d'Aditus, une association qui milite en faveur de l'accessibilité des personnes sourdes, salue ce rapport qui, selon lui, « confirme l'intérêt et la pertinence du dispositif pour lequel nous nous étions mobilisés lors des débats parlementaires sur la loi du 11 février 2005 ». Au-delà du déploiement de la conversation totale, que l'association attend depuis des années, il définit deux priorités : « l'urgence absolue d'étendre ce dispositif dès à présent à l'Outre-mer, cette inégalité de traitement sur le territoire étant inacceptable et illégale, et la nécessité d'engager une réelle campagne de communication pour faire connaître ce service auprès du grand public, et non auprès des seules associations ». Et de conclure : « Il s'agit de sauver des vies ! ».