Par Vanessa Carronnier
167 personnes se sont vu interdire l'accès à un lieu public avec leur chien guide ou d'assistance en 2022, des refus hors la loi, dénonce un rapport. Parmi elles, figurent 120 personnes handicapées, 46 familles d'accueil qui s'occupent de ces chiens lorsqu'ils sont en bas âge et un éducateur canin, détaille, le 15 novembre 2023, le rapport annuel de l'Observatoire de l'accessibilité des chiens guides et d'assistance (Obac). Cet organisme rassemble des associations, des fédérations professionnelles et des représentants de l'Etat.
Un site web pour faciliter les déclarations
L'accès des chiens guides d'aveugles et d'assistance aux personnes handicapées à tous les lieux qui accueillent du public est pourtant inscrit dans la loi depuis 1987. "Il y a malheureusement encore trop de discriminations et trop de personnes qui confondent les chiens guides avec des chiens ordinaires", a commenté auprès l'AFP Paul Charles, président de Canidea, organisme qui pilote l'Obac. "Ils sont éduqués spécifiquement pour ne pas toucher à quoi que soit dans un commerce ou un restaurant", a-t-il ajouté. Le nombre de refus d'accès est toutefois vraisemblablement supérieur à 167 car de nombreuses personnes ne signalent pas les incidents, selon les associations. Une application et un site Internet dédiés devraient faciliter les déclarations, à partir de 2024.
Une majorité de femme refusées
"Si on refuse de laisser entrer mon chien, c'est moi qu'on refuse", témoigne auprès de l'AFP Stéphanie Bréavoine, 45 ans, originaire de l'Oise. Cette esthéticienne qui a perdu la vue n'hésite plus à se déplacer depuis qu'elle fait appel à un chien guide. Elle a toutefois fait face à l'hostilité de restaurateurs et de chauffeurs de taxi, à plusieurs reprises. "C'est épuisant de devoir tout le temps justifier notre droit." Dans les deux tiers des cas recensés par l'Observatoire, ce sont des femmes qui ont subi un refus d'accès à un lieu avec leur animal d'assistance. La personne à l'origine d'un refus "se permettra plus facilement d'interpeller une maîtresse accompagnée de son chien, qu'un maître", la légitimité des femmes dans l'espace public étant régulièrement remise en cause par certains, décrit le rapport.
Transports et tourisme : les rois du refus ?
Commerces, restaurants, transports... Des incidents ont lieu dans de nombreux secteurs d'activité. Au total, 38 % des refus ont été émis par des acteurs du tourisme, qui se posent souvent "la question de l'image de la présence du chien dans l'établissement". Ils "s'inquiètent du dérangement que causerait l'animal", qui pourrait pousser certains clients à laisser un avis négatif sur leur commerce sur Internet. Un quart des refus est émis par des transporteurs. "La diversification des opérateurs, dont certains sont récents sur le marché français, rend difficile le dialogue et la diffusion du message", souligne le rapport. Christian Lair, retraité de 66 ans qui vit à Antibes (Alpes-Maritimes), a dû convaincre à plusieurs reprises des chauffeurs de taxi de le transporter avec son chien guide. "Il faut être pédagogue et persuasif, souvent les personnes ne connaissent pas la législation ou ont peur des chiens, décrit-il à l'AFP. Mais il n'y a aucune crainte à avoir, il n'y a rien de plus paisible qu'un chien guide, ce ne sont pas des animaux comme les autres."
132 médiations et 5 dépôts de plainte
Lorsqu'un incident est rapporté aux associations, elles entreprennent une médiation. Elles en ont mené 132 en 2022. L'Obac a également recensé cinq dépôts de plaintes. En mars, un cas de refus d'accès avait été très relayé sur Internet et dans les médias, suscitant l'indignation. Anthony Martins-Misse, entrepreneur et judoka paralympique, a dénoncé un chauffeur Uber, qui avait refusé de le prendre en charge avec son chien guide, un accrochage qui a ensuite dégénéré. La société a depuis entrepris un projet de sensibilisation de ses chauffeurs, en diffusant une vidéo pédagogique (Lire : VTC: un plan pour améliorer l'accès aux passagers handicapés). Environ 2 700 chiens guides et d'assistance sont en service actuellement en France.