« Descends ! Pas de chien dans la voiture ! » En mars 2023, alors qu'Anthony Martins Misse, entrepreneur aveugle, s'apprête à monter dans un Uber pour emmener sa fille à l'école, il se fait violemment refouler par le chauffeur. L'objet de sa colère ? Népia, son chien guide. A l'ippon, le judoka paralympique préfère une solution plus pacifiste : filmer avec son téléphone, avant de porter plainte pour « violences sur personne vulnérable ». Cette scène est loin d'être un cas isolé... La loi prévoit pourtant que « l'accès aux transports (...) est autorisé aux chiens guides ou d'assistance accompagnant les personnes titulaires de la carte d'invalidité ». Condamnant « fermement » cette infraction, Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, demande alors à la société de transports de mieux (in)former ses conducteurs.
Message reçu. Le 6 juillet 2023, Uber France dévoile son plan d'action visant à améliorer l'expérience des passagers en situation de handicap. Se voulant « très concret », il repose sur trois piliers : l'accompagnement des chauffeurs, les nouvelles fonctionnalités à destination des usagers et les engagements d'Uber afin de promouvoir « l'accessibilité et l'inclusivité ».
Une vidéo de sensibilisation obligatoire
Première mesure : une vidéo de sensibilisation obligatoire à destination de tous les chauffeurs (ci-contre). « Un chien guide n'est pas un animal de compagnie ! », martèle l'un d'eux, Mickaël Sébastien, dans la vidéo, qui livre également des conseils pratiques pour prendre en charge une personne en fauteuil roulant. « Nos 35 000 conducteurs seront sensibilisés dans les prochaines semaines, assure Laureline Serieys, directrice d'Uber France. Ils auront cent jours pour visionner la vidéo, sous peine de ne plus pouvoir travailler avec la plateforme. » Autres actions : des rappels à la loi et des sessions de sensibilisation dans ses espaces d'accueil. Pour éviter les poils tenaces, 1 500 couvertures seront distribuées dans les prochaines semaines. « Cela peut prendre très longtemps à nettoyer son véhicule après le passage d'un chien », admet un chauffeur. Un temps perdu sur une prochaine course, dans un secteur extrêmement concurrentiel et parfois précaire.
Un bouton « anti-discrimination »
« En un an, nous avons reçu 40 signalements pour refus d'accès, s'accompagnant de sept dépôts de plainte », rage l'association ANM' chiens guides. Ce n'est pas un simple chiffre, c'est très humiliant ! » « Quand notre chien est refusé, c'est nous qui sommes refusés, témoigne Bernadette Pilloy, militante associative aveugle. A chaque fois, ça me fait mal. » Les passagers confrontés à cette situation pourront désormais déclencher, via leur application, un « bouton anti-discrimination », qui avertira Uber de la situation. En cas de dépôt de plainte, la compagnie s'engage à fournir aux forces de l'ordre, sur réquisition, les données sur la course. Pour s'impliquer, sur le long terme, en faveur de la libre circulation de ce public, Uber a adhéré à l'Observatoire de l'accessibilité des chiens guides (Obac).
Programme des passagers ambassadeurs
Uber compte également sur son « programme des passagers ambassadeurs » pour montrer aux chauffeurs leur capacité à venir en aide aux personnes en situation de handicap. D'autre part, une ligne de médiation intégrée à l'application « chauffeurs » sera mise en place pour leur confirmer « qu'il est obligatoire de prendre en charge tout passager qu'il soit accompagné d'un chien guide ou d'assistance ou utilisateur d'un fauteuil pliable ». En parallèle, la société entend déployer une campagne de sensibilisation, à destination des forces de l'ordre, sur les discriminations liées à des situations de handicap.
Des Uber adaptés avant Paris 2024 ?
Enfin, elle la société s'engage à promouvoir une « meilleure sensibilisation au handicap dans les transports à la demande », a fortiori à l'aube d'évènements internationaux comme les championnats du monde de rugby (fauteuil) du 8 septembre au 28 octobre 2023 et les Jeux de Paris 2024, « où 350 000 personnes handicapées sont attendues ». Rappelons que le gouvernement a annoncé le déploiement de 1 000 taxis adaptés aux personnes à mobilité réduite, via l'attribution de primes, pour faciliter l'accès aux Jeux de Paris 2024 (Lire : Paris 2024 promet 1 000 taxis accessibles aux PMR). Vincent Julé, vice-président de l'Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées (APHPP), « prêche pour que d'autres sociétés de transports, comme Uber, puissent également en bénéficier ».
Inspirer les autres sociétés de VTC
Geneviève Darrieussecq espère que ce plan « bien construit » et « très résolu », notamment grâce à la participation d'associations spécialisées, « fera des émules ». « J'encourage vivement toutes les autres sociétés de VTC à faire de même », déclare la ministre. Encourager, seulement ? « Si cela ne suffit pas et que la loi n'est toujours pas respectée, il faudra peut-être envisager, à terme, des sanctions plus sévères », ajoute-t-elle. Pour l'heure, en cas de refus d'un chien guide, les conducteurs encourent une amende pouvant aller jusqu'à 450 euros et un retrait de licence. A noter qu'en dernier recours, il est possible d'utiliser « Uber pet », qui indique les chauffeurs autorisant les chiens, guides ou non, et autres animaux de compagnie. Une alternative « au poil » ? A condition qu'il y ait suffisamment de chauffeurs « dog-friendly »...