Dernière minute le 24 octobre 2018
En séance publique, le 24 octobre 2018, après avoir rejeté l'article 1er par 171 voix contre 99 voix pour, le Sénat n'a pas adopté la proposition de loi. Déposée au Sénat par Laurence Cohen et plusieurs de ses collègues le 17 avril 2018, cette proposition de loi a pour objet de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le versement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Ses auteurs estiment en effet que cette prise en compte des ressources du conjoint « crée de nombreuses difficultés morales et financières et est contraire au principe même de l'allocation, qui est de garantir l'autonomie du bénéficiaire ». Le texte déposé propose ainsi :
- de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le versement de l'AAH quand celle-ci est versée en complément des autres ressources du bénéficiaire (article 1er) ;
- de mettre fin à la prise en compte des revenus du conjoint dans le plafonnement de l'AAH (article 2) ;
- de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport relatif à la situation sociale et financière des bénéficiaires de l'AAH afin d'identifier les difficultés rencontrées et les moyens d'améliorer leur autonomie (article 3).
La commission des affaires sociales, qui s'était réunie le 17 octobre 2018, « attachée au maintien de l'AAH au nombre des minima sociaux avait souhaité que la référence au foyer familial soit maintenue dans les critères d'attribution de l'AAH », rejetant elle aussi cette proposition.
Article d'origine du 19 octobre 2018
Est-il utopique de penser qu'un jour les revenus du conjoint ne seront plus pris en compte dans le calcul de l'AAH ? Arque bouté sur un argument, le gouvernement répond que « La solidarité nationale complète la solidarité familiale, elle ne doit pas s'y substituer. Que la personne soit en situation de handicap ne constitue pas un motif qui permettrait de déroger à ce principe au cœur de notre organisation sociale. » Or, aujourd'hui, plus d'un million de Françaises et Français sont dans une situation de handicap qui ne leur permet pas d'accéder à l'emploi. L'AAH n'est donc pas une simple aide de l'Etat, il s'agit d'une réelle compensation liée au handicap. Cette demande récurrente, systématique et insistante des personnes concernées et des associations depuis des années peine malgré tout à trouver écho auprès du législateur. Ce n'est pourtant pas faute de faire des tentatives parlementaires...
Avril : les députés rejettent
En avril 2018, ce sont les députés de gauche du groupe GDR (Gauche démocrate et républicaine, regroupant les Verts et les Communistes) qui, sur une proposition de loi portée par la députée Marie-Georges Buffet (article en lien ci-dessous), sont déboutés par la majorité parlementaire LaRem (En Marche !). Le 17 octobre 2018, c'est au tour des sénateurs du groupe CRCE (Communiste républicain citoyen écologiste) de tenter le coup en commission des affaires sociales sur une proposition de la sénatrice Laurence Cohen (Val-de-Marne), avec l'objectif de mettre fin à une situation jugée, par le groupe, « injuste » et « qui nie la condition des allocataires ». Ce que certains appellent « le prix de l'amour ».
Octobre : au tour des sénateurs
Même verdict ! Proposition rejetée par une majorité sénatoriale LR (Les Républicains) ; elle se dit pourtant favorable à la suppression de cette mesure mais, espérant une refonte plus globale des aides, dont l'AAH, entend ne pas se précipiter. Le groupe LaREM a, lui aussi, voté contre tandis que l'Union centriste et le groupe RDSE (Rassemblement démocratique et social européen) se sont abstenus. Seul le groupe Socialiste et républicain a soutenu cette initiative. « Même si, bien sûr, les choses ne vont pas encore assez loin, nous proposons une petite avancée, qui pourrait être mise en œuvre rapidement et concrètement, en attendant d'autres mesures », explique Albin Toubiana-Faure, conseiller parlementaire du groupe CRCE.
Une autre chance ?
« Nous prenons acte de ce vote mais nous le regrettons car cette proposition de loi permet d'améliorer considérablement la situation d'environ 250 000 personnes, dont les conditions de vie ont d'ailleurs été dégradées par plusieurs mesures gouvernementales », explique le groupe CRCE dans un communiqué. La commission des affaires sociales du Sénat a rejeté le rapport mais cela n'empêche pas cette proposition d'être soumise au vote. Il y aura donc une nouvelle tentative le 24 octobre 2018 puisqu'elle va faire l'objet d'un débat qui sera suivi d'un vote à 14h30 en séance publique. Dans cette perspective, les sénatrices et sénateurs de gauche rappellent à leurs collègues les enjeux : « rendre plus juste le calcul de l'AAH et tenter d'améliorer le quotidien des personnes handicapées qui subissent la précarité ».
Bouger les choses
Le groupe CRCE appelle la majorité sénatoriale qui, selon lui, « en a les moyens (...) à faire bouger les choses ». Il espère, en moins d'une semaine, mobiliser quelques sénateurs de droite pour faire pencher la balance de son côté. Même si l'issue semble, pour le moment, incertaine, cette question s'invite de plus en plus souvent dans le débat public et surtout dans les hémicycles. A force de la marteler, l'idée finira-t-elle par faire son chemin ?