À l'occasion du CIH (Comité interministériel du handicap) le 20 septembre 2017 à Matignon, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé une série de mesures dans le domaine du handicap. Parmi elles, l'augmentation de l'AAH (Allocation adulte handicapé) de 90 euros qui se fera en deux temps (lire article en lien ci-dessous). Dans un communiqué publié au lendemain du comité, l'Association des paralysés de France (APF) se dit « inquiète de certaines mesures qu'elle découvre concernant l'AAH », notamment au regard d'une nouvelle base du calcul relative à la prise en compte des ressources du conjoint.
« Mesure connexe choquante »
Selon le dossier de presse du gouvernement, « Un travail de rapprochement des règles de prise en compte de la situation familiale des bénéficiaires de l'AAH avec celles applicables aux bénéficiaires d'autres minima va être engagé, au regard des disparités de traitement mises en lumière tant par le rapport Sirugue de 2016 relatif à la réforme des minima sociaux que par l'enquête en cours de la Cour des comptes sur les prestations monétaires aux ménages modestes. En effet, le niveau de ressources garanti à un couple comptant un bénéficiaire de l'AAH s'établit aujourd'hui à 2 fois celui d'une personne isolée, alors qu'il s'établit à 1,5 fois pour les bénéficiaires du RSA. Les règles d'appréciation des revenus des bénéficiaires de l'AAH en couple, qui représentent un peu moins d'un quart des allocataires, seront rapprochées en deux temps de celles des autres minima.»
Réaction des associations
Même si le gouvernement assure que « l'impact de cette mesure sera neutralisé par la revalorisation parallèle de la prestation », -en d'autres termes que certains couples n'auraient aucune augmentation de pouvoir d'achat-, le terme « rapprochées » est sufisamment flou pour susciter la crainte des associations. « Si l'augmentation de l'AAH est une avancée à saluer pour la majorité des allocataires de l'AAH, commente l'Unapei (association de personnes avec un handicap mental), d'autres, vivant en couple, n'en bénéficieront pas. En effet, alors que la prise en compte des ressources du conjoint pour le calcul de l'AAH est de longue date dénoncée par les associations, le gouvernement annonce que, pour eux, le plafond de ressources pris en compte pour l'attribution l'AAH sera diminué, neutralisant ainsi la hausse de ressources annoncée ». Pour la FNATH (fédération des accidentés de la vie), « le gouvernement va prendre d'une main ce qu'il donne de l'autre ! ».
L'APF fait son calcul
Quant à l'APF (Association des paralysés de France), elle fait son propre calcul, avec le scénario le plus défaitiste. « Même avec la revalorisation de 90 euros, le plafond de ressources pour le couple serait de 1 350 euros par mois, contre 1 621,78 euros aujourd'hui, estime-t-elle. Avec cette baisse du plafond, les allocataires de l'AAH vivant en couple (plus de 250 000 bénéficiaires) vont perdre une partie conséquente de leur AAH, au maximum 272 euros par mois, y compris en tenant compte de la revalorisation ». L'APF alerte le président de la République et son gouvernement de « la dimension terriblement négative de ces mesures qui va à l'encontre de l'ambition et des intentions affichées d'une société plus inclusive et de lutte contre la pauvreté des personnes en situation de handicap ».
Réponse du secrétariat d'État
Face à ces réactions, le secrétariat d'Etat au handicap répond : « Le rapprochement des règles de calcul ne signifie pas l'alignement des règles de calcul. Il n'y a pas lieu d'extrapoler que le plafond de ressources des couples sera fixé à 1,5 fois le plafond d'une personne seule. Il le sera à un niveau permettant de garantir que cette réforme ne fasse aucun perdant. Comme le précise le dossier de presse en effet, l'impact de cette mesure doit être neutralisée par la revalorisation parallèle de la prestation ». En l'absence de chiffres officiels pour le moment, affaire à suivre... « En tout état de cause, la personne handicapée en couple n'aura aucun gain, précise Véronique Bustreel, déléguée ressources de l'APF. Et même ce gel n'est pas acceptable. D'autant qu'à aucun moment cette question n'a été évoquée. » Rappelons que les personnes concernées réclament depuis longtemps déjà la fin de la prise en compte des revenus du conjoint, afin de pouvoir bénéficier de ressources propres. Avec un tel scénario, ce n'est apparemment pas à l'ordre du jour.