Un projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier la loi de 2005, qui avait fixé à 2015 l'objectif d'accessibilité, doit être présenté prochainement en Conseil des ministres. Il s'agit de donner aux acteurs publics et privés qui ne pourront pas se mettre en conformité avec les règles d'accessibilité d'ici 2015, trois à neuf ans supplémentaires pour le faire.
Un « manque de volonté politique »
Les associations attribuent le retard pris par la France à un manque de volonté politique. "Certains pays sont nettement en avance, pas pour des raisons législatives, mais parce qu'il y a une volonté politique et une conception de la différence qui n'est pas la même", estime Jean-Louis Garcia, président de la fédération des Associations pour adultes et jeunes handicapés (APAJH). "Les pays du Nord de l'Europe ont organisé le vivre-ensemble", ajoute-t-il, citant la Suède. "On a pu mesurer aussi à l'occasion des Jeux Paralympiques de Londres, en 2012, que la place de la personne handicapée en Angleterre n'était pas la même que dans notre pays". "Si on prend Stockholm, qui est relativement accessible, ou Berlin, on se rend compte que l'accessibilité n'y est pas vue comme une contrainte supplémentaire mais comme une obligation que les pouvoirs publics doivent à la société, et comme du bénéfice pour tout le monde", relève Pascale Ribes, vice-présidente de l'Association des paralysés de France (APF).
Göteborg, N°1 de l'accessibilité
Le prix "access city award", décerné par la Commission européenne pour encourager les villes de plus de 50 000 habitants à partager leur expérience, a été attribué cette année à la ville suédoise de Göteborg, après Berlin en 2013. Les villes françaises ne sont pas absentes puisque le deuxième prix a été décerné en 2014 à Grenoble. Nantes, autre ville considérée par les associations comme "exemplaire", n'avait pas concouru, a souligné Mme Ribes.
Une étude des bonnes pratiques
En 2011, le Certu (aujourd'hui Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, Cerema) avait publié une étude sur l'accessibilité dans 11 villes de cinq pays européens jugés comme "particulièrement intéressants en la matière" (Suède, Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni et Espagne). Il ne s'agissait pas d'établir un classement, mais de relever des "bonnes pratiques" susceptibles d'éclairer les collectivités françaises, afin d'alimenter la "dynamique" lancée par la loi de 2005, explique à l'AFP Laurent Saby, qui a piloté l'étude.
La faute au patrimoine historique
"On s'est aperçu que les points faibles étaient un peu les mêmes dans l'ensemble des pays y compris la France, c'était la prise en compte du handicap autre que moteur et visuel -handicap mental, cognitif, psychique- et la mise en accessibilité du patrimoine historique", souligne-t-il. L'une des plus anciennes villes de Suède, Lund, a fait "un réel effort" pour allier accessibilité et conservation du patrimoine, souligne l'étude, citant les bandes pour fauteuils roulants implantées sur les rues pavées. Les légendaires bus à impériale londoniens ont pour leur part été remplacés par des véhicules à étage modernes, disposant d'un système de plancher surbaissé.
JO de Barcelone et Londres
Tout comme Barcelone en 1992, Londres a par ailleurs profité des Jeux olympiques et paralympiques de 2012 pour réaménager la ville à très grande échelle et s'adapter aux besoins des personnes handicapées. Des pays comme la Suède et le Royaume-Uni ont dans leur législation sur l'accessibilité des objectifs beaucoup moins précis que la France, souligne M. Saby. La loi britannique parle de réaliser des "adaptations raisonnables" (reasonable adjustments) et la suédoise de faire disparaître "les obstacles faciles à supprimer" (easily removable obstacles). Un flou qui a "des avantages et des inconvénients": "si les législations reposant sur de grandes principes permettent à chacun d'avancer à son rythme, de manière pragmatique, leur succès repose largement sur la volonté de faire des différents acteurs", souligne l'étude.