Vers une moisson de travailleurs handicapés dans l'agriculture ? « Le secteur recrute ! », promeut Christophe Roth, président de l'Agefiph (fonds pour l'insertion en emploi de ces salariés dans le privé) qui, via son Observatoire, publie le guide Agriculture : emploi et handicap, le 20 février 2024.
Une pénurie de main d'œuvre qui s'aggrave
Au même moment, le groupe de travail Egalité-Parité à la chambre d'agriculture de Bretagne publie également un guide sur ce thème, jusqu'alors peu exploré ( Handicap : travailler en agriculture, avec ses "différences"). Hasard du calendrier ou volonté de trouver de la main d'œuvre dans un domaine qui peine à attirer ? Les manifestations des agriculteurs de début 2024 ont mis une nouvelle fois en lumière leur colère et les difficultés de la filière. Ces contraintes tous azimuts sont-elles réellement conciliables avec une situation de handicap, alors même que les personnes dites « valides » envisagent de déserter le secteur ?
25 000 agriculteurs handicapés
« Agriculture, emploi et handicap sont compatibles ! », répond Christophe Roth. En 2022, 2,2 % des personnes handicapées en emploi exerçaient une profession relevant de l'agriculture, de la pêche, de l'aquaculture ou de travaux forestiers et ruraux, soit environ 25 000 travailleurs.
Et si leur nombre doublait ? Ce secteur, qui comprend cultures, élevage, chasse, pêche et sylviculture, emploie 722 000 personnes, et en recrute 50 000 chaque année. Serait-ce une opportunité pour les personnes en situation de handicap qui connaissent un taux de chômage près de deux fois supérieur à la moyenne nationale ? « En octobre 2023, 5,1 % des demandeurs d'emploi en situation de handicap ont recherché un emploi dans ce domaine », soit près de 24 000 personnes. Les écoles spécialisées « l'ont bien compris », selon Christophe Roth, puisque certaines, comme AgroParisTech, proposent un accompagnement spécifique pour ce public.
Des métiers moins contraignants
Culture de céréales, légumes, fleurs, vigne, élevage d'animaux, entretien de la forêt, production de lait et d'alcool... Selon l'Agefiph, les opportunités d'emploi sont « nombreuses » et « moins contraignantes », notamment physiquement, que par le passé, « grâce à l'introduction des nouvelles technologies, la mécanisation et l'évolution des matériels ». Pour aller encore plus loin et apporter un soutien spécifique aux personnes en situation de handicap, l'Agefiph propose des outils de « compensation » comme l'étude ergonomique, l'aide à l'adaptation des situations de travail ou encore la reconnaissance de lourdeur du handicap (RLH). Marion et Grégory ont tenté l'expérience ; pour découvrir les aménagements qui peuvent être mis en place et leur parcours, c'est par ici.
Des entreprises « solidaires »
Autre « bonne raison » de s'intéresser au secteur agricole : les entreprises et exploitations sont majoritairement à taille humaine, accordant ainsi « une place importante aux valeurs de solidarité et de respect mutuel », estiment les auteurs du guide. Il offrirait donc d'un « contexte favorable pour démontrer ses capacités et son envie de travailler, bien loin des idées reçues sur le handicap ».
Sensibiliser les employeurs
En effet, de nombreux préjugés persistent sur les compétences des personnes en situation de handicap -a fortiori dans le milieu agricole considéré comme particulièrement « laborieux »-, exacerbés notamment par le manque d'information des employeurs ou encore de formations adaptées. Pour changer la donne, l'Agefiph et l'opérateur de compétences Ocapiat ont conclu, en janvier 2022, un partenariat visant à « informer et sensibiliser celles et ceux en mesure de former et d'embaucher ces travailleurs ». Objectif : les inciter à passer à l'action !