C'est un peu comme résoudre la quadrature du cercle. Plus les entreprises embauchent de travailleurs handicapés, moins elles versent de contributions. Et moins elles versent de contributions, plus le budget de l'Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées) se réduit. Et plus le budget de l'Agefiph se réduit, moins il y a de moyens pour accompagner les travailleurs handicapés en poste, pourtant, logiquement, de plus en plus nombreux. Certains prétendent, non sans ironie, que le système aura rempli ses objectifs lorsque le budget de l'Agefiph sera égal à zéro. Cela signifiera que toutes les entreprises assujetties sont en conformité avec la loi. Mais quid alors du financement des postes adaptés, de l'aide humaine, de la formation pour soutenir ces entreprises valeureuses et leurs salariés handicapés ?
De nouvelles offres depuis le 1er avril
Nous n'en sommes heureusement ou malheureusement pas là (c'est au choix) mais déjà les pressions financières se font sentir. L'Agefiph a versé 402 millions d'euros aux entreprises et aux salariés en 2015, contre 538 millions en 2010 et 604 millions en 2007. Prenant acte de la baisse de ses ressources financières, le fonds avait annoncé fin 2015 la refonte de son offre d'intervention. Chose faite lors du vote de son budget 2016 ! Les nouvelles offres sont entrées en vigueur pour tout contrat signé à compter du 1er avril 2016 et force est de constater que certaines aides sont à la diète, à savoir celles à l'alternance, à l'insertion professionnelle et à la création d'entreprise. Les autres conditions d'attribution restent inchangées.
1. L'aide à l'insertion professionnelle (AIP)
L'AIP est l'aide allouée à une entreprise pour l'inciter à recruter et à pérenniser le contrat des personnes handicapées les plus éloignées de l'emploi (sous certaines conditions). A compter du 1er avril 2016, elle divisée par deux ; 2 000 € pour un temps plein et 1 000 € pour un temps partiel (≥ à 24 h hebdomadaire) alors qu'elle était respectivement de 4 000 et 2 000 € auparavant. Attention : l'AIP n'est pas cumulable avec les contrats aidés de l'Etat ni avec l'Aide à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises récemment mise en place.
2. Les aides à l'alternance pour les employeurs
Les employeurs qui concluent des contrats de professionnalisation ou d'apprentissage d'au moins 6 mois, ou qui pérennisent de tels contrats, peuvent prétendre à des subventions. Elles diminuent également, passant 1 500 à 1 000 € pour une embauche en contrat d'apprentissage à durée déterminée et de 13 000 à 7 000 € pour un CDI. Soit une baisse respective de 33% et 46%. Quant à l'aide aux contrats de professionnalisation à durée déterminée, elle passe de 1 500 à 1 000 €, et de 7 500 à 5 000 € pour un CDI.
3. Les aides à l'alternance pour les salariés
Autre nouveauté concernant l'alternance, l'aide versée à la personne recrutée ne dépendra plus de la durée du contrat signé mais uniquement de l'âge de l'alternant : 1 000 € pour les moins de 26 ans, 2 000 € pour les 26-44 ans, et 3 000 € à partir de 45 ans (soit une baisse de 33 à 50% par rapport à 2015).
4. La pérennisation des contrats en alternance
Les aides à la pérennisation des contrats en alternance sont diminuées de moitié pour atteindre 2 000 € en cas d'embauche en CDI à temps plein et 1 000 € pour un CDI à temps partiel. Même impact en cas de CDD, les montants sont divisés par deux : 1 000 € pour un CDD d'au moins 12 mois à temps plein et 500 € à temps partiel.
5. L'aide à la création d'activité
Près de 80% des projets de création d'entreprise menés par des personnes handicapées ont des besoins de financement inférieurs à 15 000 €. Le soutien financier apporté par l'Agefiph représente en moyenne 52%. Le montant du forfait « aide à la création d'activité » est ramené à 5 000 € (contre 6 000 auparavant). Selon l'Agefiph, qui se veut rassurant, « la réduction de ce forfait devrait favoriser une meilleure recherche de financement dans le droit commun, sans préjudice pour les projets. »
Encore une bonne marge de manœuvre
Dans son communiqué, l'Agefiph précise que l'alternance reste « un axe prioritaire majeur » depuis son lancement en 2013. Et de rappeler la progression importante du nombre de contrats qu'il a permis de soutenir (6 183 en 2015 contre 4 756 en 2012, soit une progression de 54% au plan national). Pour l'année 2016, un objectif de 6 100 contrats en alternance est prévu. En dépit de la baisse de ses aides, le fonds affirme « qu'elles restent incitatives pour les entreprises et les personnes qui bénéficient à la fois des aides à l'alternance de droit commun et de l'Agefiph. » Dans les colonnes de Libération, Hugues Defoy, directeur de son pôle « emploi », se veut, lui aussi, confiant : « On avait des aides qui étaient extrêmement généreuses, on n'a fait que les rééquilibrer. ». Pas de quoi s'alarmer donc en 2016 avec des marges de manœuvres appréciables en matière d'insertion et de maintien dans l'emploi ? Pourtant, les choses risquent de devenir un peu plus compliquées dans les années à venir ; modèle économique fragile, il faudra, bientôt, inévitablement, le réformer.
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