Par Anastasia Clark
"J'ai tout de suite vu les avantages. Et je me suis dit que cela allait changer beaucoup de choses pour moi", Charles Bloch, un jeune malvoyant de 29 ans, qui travaille dans un théâtre de Coventry, dans le centre de l'Angleterre. Carlo, un Labrador croisé Golden Retriever, "un peu coquin" mais "gros travailleur", est devenu "comme son bras droit". Mais dans les deux ans, ce chien de 9 ans, va raccrocher sa laisse et prendre sa retraite, qui intervient en général après 6 ou 7 ans de service. Or l'attente est longue désormais pour obtenir un nouveau compagnon.
La faute au Covid et au Brexit ?
L'arrêt de l'élevage et du dressage des chiots pendant la pandémie de Covid-19 a entraîné un "retard important", explique l'association Guide Dogs, le plus grand dresseur de chiens guides d'aveugles au Royaume-Uni. "Nous ne pouvions pas dresser de chiens, ni former des personnes. Finalement, nous avons été autorisés à redémarrer, mais de manière très progressive et lente", indique Tony Murray, le chef des opérations à Guide Dogs, à Leamington Spa, dans le centre de l'Angleterre. Le Brexit a aussi affecté le recrutement. Or les entraîneurs de chiens guides font un travail "vraiment unique". L'attente est d'au moins d'un an, "mais probablement plutôt 18 mois, et dans certains cas, deux ans", dit-il.
Reclus sans chien
Si Carlo n'était pas remplacé, Charles Bloch devrait utiliser à nouveau une canne blanche. "Avec Carlo, je n'ai pas à me préoccuper de grand-chose. Je lui dis de tourner à gauche, il tourne à gauche". Quand ils marchent ensemble, Carlo équipé de son harnais navigue entre les obstacles, fait savoir à son maître quand ils approchent d'un escalier ou arrivent à un croisement. Charles Bloch, qui conserve une partie de sa vue, serait capable de se déplacer avec une canne, même si cela le limiterait "un peu plus". Pour ceux qui ne voient pas du tout, la perte de leur chien guide serait par contre "très restrictive", souligne-t-il. "Ils ont déjà l'impression d'être à l'écart du monde. Alors ne pas avoir de chien leur donnerait encore plus l'impression d'être (...) reclus". "L'objectif ultime" est de disposer d'un chien de remplacement lorsqu'un chien guide prend sa retraite, mais "on ne peut pas fabriquer un chien à la demande", explique Tony Murray. Il se dit "très confiant" sur leur capacité à revenir à la situation d'avant-pandémie, mais cela prendra du temps.
22 mois de formation
Elever et dresser un chien guide prend plusieurs mois. Agés de quelques semaines, les chiots vont vivre avec des bénévoles pour une première socialisation et une formation de base. Entre 12 et 14 mois, les chiens commencent leur éducation formelle, qui dure environ 22 semaines. Le taux de succès est inférieur à 60 %, mais s'ils réussissent, les chiens sont mis en relation avec un maître. Au centre de Leamington Spa, Zoey Scott entraîne un jeune chien sur un parcours d'obstacles composé de barrages routiers en plastique et de cônes de signalisation. Il faut "beaucoup d'énergie mentale" aux chiens pour suivre le dressage, explique-t-elle. Mais "je suis ravie de voir à quel point des chiens que j'ai entrainés font la différence, et de voir les sourires sur les visages" de leur maître.
Un toutou fédérateur
Avant d'avoir Carlo, Charles Bloch se souvient avoir eu le sentiment, à l'université, qu'il y avait une "grande barrière" avec les autres personnes, et de sa difficulté à rencontrer du monde. "Mais avec Carlo, cette barrière a disparu en quelques jours, parce que tout le monde voulait dire 'bonjour' et discuter". Il assure même que cela a permis d'améliorer ses résultats. Et lors de la cérémonie de remise de diplôme, ils sont montés ensemble sur scène.