Sur le million d'ERP (Établissements recevant du public) recensés en France, 250 000 n'ont toujours pas, à ce jour, déposé leur Ad'AP (agendas programmés pour la mise en accessibilité de leurs locaux aux personnes handicapées) alors qu'ils étaient tenus de le faire en préfecture jusqu'au 27 septembre 2015 (article en lien ci-dessous). Avant que les sanctions ne pleuvent - l'échéance n'étant toujours pas annoncée par le gouvernement -, il est encore temps, pour les retardataires, amnésiques et autres récalcitrants, de rentrer dans ce dispositif.
Tous les arguments sont bons
Forts de ces 250 000 clients potentiels, qui se disent parfois démunis face à la complexité de la démarche, quelques-uns ont flairé le filon. A l'instar du harcèlement téléphonique dont nous sommes tous victimes pour les panneaux photovoltaïques, aménagement de combles et autres mutuelles, certains sites proposent un « diagnostic » accessibilité en se faisant passer pour des organismes gouvernementaux. Leur nom de domaine a l'apparence de la respectabilité, utilisant le mot clé « adap », souvent assorti de l'extension.org. Le site ad-ap.org affiche même, en home page, le logo des Trophées de l'accessibilité qui récompensent les initiatives dans ce domaine. Xavier Gallin, fondateur et président de ces Trophées, affirme qu'aucun prix ne lui a jamais été décerné. Il a tenté à plusieurs reprises de joindre la direction du site, la mettant en demeure de retirer ce logo, en vain, et envisage de porter plainte pour « détournement manifeste ».
Arnaque d'envergure
C'est, entre autres, la Chambre de commerce et d'industrie de Dordogne qui, le 21 avril 2016, lance l'alerte avec un message accrocheur « Attention, arnaque d'envergure », relayée par les réseaux sociaux et même par la Gendarmerie locale. Mais les sociétés incriminées sévissent dans toute la France et jusqu'en Martinique. Sur le papier, a priori rien d'illégal mais ce sont les méthodes frôlant le harcèlement qui sont dénoncées, en même temps que l'absence de fiabilité des services proposés. La préfecture de Haute-Garonne brandit à son tour le carton rouge et déplore le « démarchage agressif de bureaux d'études privés pour l'élaboration d'Ad'AP ». La méthode est la suivante : une société prend contact par téléphone ou par mail, en se présentant avec une ambiguïté qui peut laisser penser qu'elle représente un service de l'État. Son discours alarmiste évoque les sanctions encourues en cas d'Ad'AP non déposé ou d'attestation d'accessibilité non faite. Le but est de vendre une prestation payante réalisée par téléphone.
Des préjudices financiers importants
Ce diagnostic est en effet assuré en ligne ou par téléphone ! Dans tous les cas, la réalisation d'un Ad'AP passe par un diagnostic du bâtiment qui nécessite un minimum de connaissance de l'établissement concerné. Aussi, ce type de proposition, consistant à répondre à un simple questionnaire téléphonique, évidemment contre rétribution, ne peut donner lieu à un diagnostic sérieux. D'autant que l'autodiagnostic du niveau d'accessibilité d'un ERP est réalisable gratuitement sur le site du gouvernement (en lien ci-dessous). ad-ap.org évoque même un « diagnostic ludique » (concept à définir !) et propose aux « ERP nécessitant de réaliser des travaux de mise en conformité » de les « diriger vers des maîtres d'œuvres qualifiés en accessibilité ». A la fois juge et partie ? Les entreprises seraient de plus en plus nombreuses à recevoir ce type de démarchages « très appuyés », certaines ayant subi des préjudices financiers importants. « Plus d'une cinquantaine de chefs d'entreprises du département nous ont contactés à ce sujet », explique Nadia Ballet, responsable du service développement des entreprises du territoire à la CCI Dordogne. Elle les encourage à ne « jamais communiquer leurs coordonnées bancaires » et à « ne pas répondre à ce type d'appel », et même à « enregistrer les conversations ».
A qui s'adresser ?
Pour rappel, les services de l'État n'effectuent aucun démarchage téléphonique auprès des propriétaires d'établissements recevant du public. Les chefs d'entreprise qui se posent des questions au sujet de la mise en accessibilité de leurs établissements peuvent joindre la sous-commission départementale à l'accessibilité ou se rapprocher des chambres de commerce et des métiers. En cas de démarchage de ce type, un signalement peut être fait auprès de la Direction départementale de la protection des populations du département (liste en lien ci-dessous) siège de la société concernée qui jugera de l'opportunité d'engager des poursuites. En cas de « malversation avérée », le gouvernement encourage « à saisir la justice ».
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