Janvier 2022. Cynthia apprend par un simple flyer déposé dans le hall de son immeuble du 15e arrondissement de Paris que les ascenseurs de son bâtiment vont être remplacés. Une bonne nouvelle pour cette jeune femme handicapée de naissance ? Pas vraiment. Car elle découvre que ces travaux vont entraîner une mise hors service durant quinze semaines, du 11 avril au 25 juillet, si ce n'est plus. Problème, Cynthia habite au 5e étage et ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant.
Une solution de portage
« Je ne me suis pas vraiment inquiétée car le bailleur social, Paris Habitat, indiquait proposer une solution de portage pour les personnes handicapées, âgées ou avec poussette, disponible 24h/24 ». A la veille des travaux, la quadragénaire décide de composer le numéro indiqué... On lui répond qu'il faut réserver un créneau minimum 48 heures à l'avance et que le service est disponible entre 6 heures et 22 heures, contrairement à ce qui avait été écrit. « Je manifeste mon mécontentement, arguant que les contraintes de réservations se heurtent à mon planning professionnel, assez aléatoire ». En effet, Cynthia est formatrice de français pour les étrangers (FLE), alternant cours en ligne et à l'extérieur. « Je peux être appelée pour un cours en présentiel du jour au lendemain ». Au bout du fil, la personne chargée des réservations pour la plateforme de Paris Habitat se montre « très désagréable » et lui répond qu'elle doit « déjà se sentir chanceuse de bénéficier d'une solution alternative ». « Chanceuse d'être handicapée ? », ironise-t-elle.
Dysfonctionnements sur dysfonctionnements
Elle parvient finalement à obtenir un premier rendez-vous pour le soir-même mais rien ne se passe comme prévu. Alors que le portage doit être assuré par deux hommes censés soulever Cynthia assise sur son fauteuil manuel, dans l'escalier en colimaçon, un seul d'entre eux se présente sur le lieu de rendez-vous. Et ce n'est que le début. Elle apprend par ailleurs qu'aucune réservation n'est possible durant le week-end. La jeune femme reste donc « confinée » chez elle à Pâques. Lors d'un autre portage en semaine, un seul porteur fait à nouveau le déplacement. Son collègue arrivera près de deux heures plus tard, laissant Cynthia à la porte de son immeuble, dans la rue ! Et lorsqu'elle en informe la société de prestation de services choisie par Paris Habitat, « Bulle services », son gérant se montre lui aussi « agacé par la situation ». « Il me répond que je suis casse-pied, qu'on le harcèle, que je suis la seule à qui il arrive des problèmes ». Elle réclame également des garanties, notamment une attestation d'assurance des porteurs face à une pratique qu'elle juge « insécurisante » et « inconfortable ». Garanties qu'elle attend toujours...
Un retournement de situation ?
A bout, Cynthia finit par obtenir un rendez-vous le 21 avril avec la gérante de l'immeuble, « dans un bâtiment qui n'est pas accessible en fauteuil ». Au bout d'une heure de pourparlers, aucun changement n'est proposé. « On ne peut pas m'offrir de solution de relogement, ni même m'assurer un portage sécurisant et plus souple ». Après avoir déposé une plainte contre Paris Habitat, Cynthia décide d'employer la méthode forte : les réseaux sociaux. Son appel au secours est entendu, un journaliste du Figaro lui consacre un article qui, curieusement, a fait réagir le principal bailleur social de la Capitale, qui loge près de 285 000 habitants. A peine quelques jours plus tard, Cynthia reçoit un appel de Paris Habitat, qui lui affirme chercher un relogement temporaire, notamment à l'hôtel, dans son arrondissement. « C'est triste de devoir en passer par là pour faire avancer les choses », se désole-t-elle. Si on lui a assuré revenir vers elle dans les meilleurs délais, méfiante, la locataire n'exclut pas d'engager une procédure judiciaire avec son avocat, ni même de réserver un hôtel par ses propres moyens faute de solution trouvée dans les temps. « Je me suis battue toute ma vie pour être autonome ce n'est pas pour me soumettre à une chose pareille », s'indigne-t-elle.