Autisme, handicap mental: DigiVi, nouvelle app de rencontres

En Suède, les personnes avec un trouble du spectre de l'autisme ou une déficience intellectuelle ont désormais leur propre application de rencontres. La particularité de DigiVi ? Une interface simple à utiliser et une sécurité accrue.

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Une personne pianotant sur une appli de rencontres dans un café.

Par Viken Kantarci

"Ici je sais qu'on ne me jugera pas, il suffit d'être soi-même." Sira Rehn, 24 ans, avec une déficience intellectuelle, s'est longtemps senti exclu des applications de rencontres, utilisées par 380 millions d'utilisateurs dans le monde. "DigiVi" a changé son quotidien. Lancée en novembre 2023 en Suède, cette interface pour trouver l'âme sœur est réservée exclusivement aux personnes avec autisme ou une déficience intellectuelle légère, ayant un QI entre 50 et 69. La plateforme se distingue par un fonctionnement simplifié et une procédure d'inscription qui assure la "sécurité" de ces publics souvent victimes d'abus sur les réseaux.

Plus besoin de cacher son handicap

Attablé dans un café d'Uppsala, au nord de Stockholm, Sira sirote une limonade et pianote sur son téléphone avec énergie. Sira se définit comme non binaire, ni féminin ni masculin, et utilise le pronom non genré "hen" en suédois, l'équivalent du "iel" en français. "Je viens de commencer à chatter avec une fille ! On a les mêmes centres d'intérêt, elle a l'air sympa, j'ai hâte de voir ce qu'il va se passer... Je rêve de trouver l'amour !" Sur son profil, Sira a posté des portraits et une liste de ses centres d'intérêts : chanter, les chiens, regarder des films. "Sur d'autres plateformes, je cachais mon handicap alors que c'est une grande partie de qui je suis, les gens ne voulaient pas me parler quand ils le découvraient", se souvient Sira.

Exclues du monde numérique

"DigiVi", contraction des mots "Digital" et de "Vi" ("nous" en suédois), a été développée par une organisation qui accompagne les personnes avec des handicaps mentaux ou cognitifs. Les fonctionnalités de la plateforme sont réduites au strict nécessaire : un profil, un espace de discussion, un bouton pour se faire aider. "De nombreuses personnes en situation de handicap sont exclues du monde numérique parce que c'est souvent trop compliqué", explique Magnus Linden, l'un des fondateurs de l'app. "Ceux qui ont besoin de soutien dans leur quotidien en ont aussi besoin dans leur vie relationnelle. Pour s'inscrire sur 'DigiVi', on doit rencontrer en personne un accompagnant qui vérifie votre identité et qui vous aide à créer votre compte", explique-t-il. Ces agents sont présents dans une vingtaine de villes suédoises et associent chaque compte à l'équivalent du numéro de Sécurité sociale de l'utilisateur. Une procédure qui permet de prévenir les abus.

Public particulièrement exposé à la violence

"C'est une sécurité que ça ne puisse pas être téléchargé par n'importe qui", assure Therese Wappsell, une utilisatrice avec un handicap intellectuel léger qui a participé à l'élaboration de la plateforme. Elle explique faire partie d'une "catégorie particulièrement exposée à la violence" sur les applications. "Cela peut être de recevoir des images sexuelles non sollicitées, de se sentir forcé d'envoyer certains types de contenus", souligne Aline Groh, co-fondatrice de l'app qui mentionne également le risque de rencontrer une personne qui n'est pas celle qu'elle prétendait être en ligne. "Il y a des gens qui cherchent justement ceux qui ont des difficultés à se défendre, qui auront du mal à demander de l'aide. Avec DigiVi, on peut directement voir qui pose un problème et agir." Les modérateurs de l'application, où le partage de photos de nus est par ailleurs interdit, s'engagent à exclure définitivement les utilisateurs qui se comportent de façon inappropriée, voire à prévenir la police si nécessaire.

L'amour sur petit écran

Longtemps restée dans l'ombre, la question de la vie affective des personnes avec une déficience intellectuelle ou cognitive a été portée à l'écran ces dernières années par plusieurs séries à succès comme Love on the spectrum (Histoire d'amour et d'autisme) (Lire : "Love on the spectrum": l'amour avec autisme sur Netflix) ou encore L'amour sur son 21. "C'est important que les gens voient que nous aussi pouvons trouver l'amour", affirme Sira à propos de ces séries. "Ce n'est pas le handicap qui compte. Ce qui est important ce sont les sentiments que l'on a en nous". DigiVi compte pour l'instant 180 utilisateurs réguliers. "C'est encore très récent mais ça se développe partout dans le pays", assure Aline Groh. "On sait que des personnes ont commencé à tisser des relations... 1 % de la population vit avec un handicap mental et environ 5 % un trouble du spectre de l'autisme, cela donne une idée de tous ceux qui pourraient en bénéficier."

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