30 000, c'est le nombre d'enfants de moins de sept ans présentant un écart de développement qui ont été repérés à ce jour. 10 000 au total au 1er juillet 2022, avec un objectif annuel atteint « six mois avant son terme », se félicite la Délégation interministérielle autisme et TND. En détail, les chiffres de cette montée en puissance : 150 enfants accompagnés en février 2020, 6 000 un an plus tard, 15 000 en septembre 2021, 19 000 en décembre, ce qui fait un total de 30 000 au premier juillet 2022.
Quel enjeu ?
Les données épidémiologiques internationales amènent à considérer que près de 10 % des naissances concernent les enfants présentant des troubles du neuro-développement, fait valoir la délégation. Il s'agit des troubles du spectre de l'autisme (TSA), troubles déficitaires de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDA-H), troubles DYS (dyslexie, dyspraxie, dysphasie, dyscalculie, dysorthographie) et troubles du développement intellectuel (TDI). « Il est encourageant de voir que la France réévalue ses statistiques en termes de TND, se réjouit Chams-Ddine Belkhayat, président de Bleu Network et Bleu Inclusion, association dédiée aux personnes autistes. Officiellement les données de prévalence sont toujours à 5 % et on se rend compte sur le terrain qu'on est plus proche des 10 %. Et nous sommes sûrement encore loin du compte. Idem pour les TSA, quand les données françaises sont à 1 %, elles atteignent 1,69 % aux Etats-Unis. »
Des méthodes validées
Les méthodes d'interventions validées peuvent faire régresser ces troubles et atténuent, fortement parfois, leur sévérité. Rappelons que le Conseil d'Etat a rejeté, le 13 juin 2022, les recours déposés par des associations de psychologues qui contestaient un arrêté sur les interventions dans les plateformes autisme (article en lien ci-dessous). La juridiction administrative suprême impose de s'en tenir aux méthodes recommandées par la Haute autorité de santé (interventions précoces, comportementales, développementales, écologiques, individualisées et intensives). Cette prise en charge doit intervenir le plus tôt possible du fait des mécanismes de plasticité cérébrale chez le jeune enfant. « Les enjeux sont énormes dans les premières années de vie car un enfant, peu ou mal accompagné, c'est un futur élève en grande difficulté puis un adulte en situation de handicap qui aura du mal à avoir un projet de vie autonome », explique Claire Compagnon, déléguée à la stratégie autisme. La récente prise de position de l'Académie de médecine fait écho à cette nécessité : « Agir tôt ! », martèle-t-elle. En faveur d'un diagnostic et d'une prise en charge dans les 1 000 premiers jours de vie, elle émet six recommandations en juillet 2022 (article en lien ci-dessous).
Avant, la triple peine
Selon Claire Compagnon, « avant 2020, c'était la triple peine pour les parents d'un enfant qui se développait de façon inhabituelle : l'accès aux bilans et aux interventions très inégal sur le territoire national car dépendant de leur capacité à les payer, des diagnostics inexistants ou tardifs, des parcours chaotiques et des interventions parfois inadaptées ». Des pertes de chances jugées « inacceptables ». En réponse à cette « urgence », des mesures ont été prises. Tout d'abord la prise en charge des interventions jusqu'alors non financées par l'Assurance maladie (psychologues, ergothérapeutes, psychomotriciens exerçant en libéral) mais aussi la création des plateformes de coordination et d'orientation des troubles du neurodéveloppement (PCO TND). Au nombre de 91 à ce jour, elles couvrent 90 % du territoire ; l'objectif d'une plateforme par département est visé d'ici la fin 2022.
En parallèle, l'accélération du repérage fait suite à une campagne d'information menée auprès de 55 000 médecins généralistes et pédiatres (article en lien ci-dessous). Les professionnels de la petite enfance ont également été mobilisés et outillés durant cette période. La délégation interministérielle et la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) ont piloté la création d'un « Livret d'observations partagées parents/professionnels de la petite enfance », diffusé aux assistantes maternelles, auxiliaires de puériculture ainsi qu'aux personnels des crèches.
Le travail continue…
« Les PCO sont une avancée mais le boulot est difficile, une fois que les familles sont là, vers qui on les oriente ?, réagit Chams-Ddine Belkhayat, qui déplore « toujours peu de professionnels en libéral et des services sanitaires saturés ». Selon ce papa d'un garçon autiste, « on augmente le nombre de personnes à accompagner mais pas forcément les moyens, en demandant au secteur médico-social et à l'école d'en faire plus alors que la corde est déjà tendue ». Et d'attendre plus de SESSAD, d'IME, de classes ULIS, d'UEMA, d'UEA, voire la « création de nouveaux dispositifs hybrides et inclusifs ». Claire Compagnon consent que, malgré « de bons résultats », « le travail n'est pas terminé ». Objectifs ? Aller au-delà des 30 000 enfants de moins de 7 ans repérés et accompagnés mais également progresser dans la diminution de l'âge du diagnostic. Enfin, les premières plateformes pour les enfants de 7 à 12 ans commencent à ouvrir dans toute la France afin de renforcer le repérage des jeunes présentant d'autres TND comme les troubles dys ou TDAH qui « se détectent le plus souvent à l'occasion de l'entrée dans les apprentissages », selon la déléguée. « On a fait un premier pas avec les diagnostics, il faut désormais passer la seconde pour accompagner tout le monde dignement », conclut Chams-Ddine Belkhayat.