L'automobiliste qui avait agressé un homme aveugle à Paris il y a quelques semaines a été condamné, le 16 juillet 2019, à des amendes et à une suspension de permis. Le tribunal correctionnel a condamné cet Espagnol de 68 ans, retraité du bâtiment, à 2.000 euros d'amende dont 1.000 avec sursis et 18 mois de suspension de permis pour avoir menacé le piéton - des "violences volontaires sur personne vulnérable" ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de quatre jours. Il l'a également condamné à deux amendes, de 750 euros pour violences sans ITT sur le frère jumeau de l'homme déficient visuel, qu'il avait giflé, et de 250 euros pour le refus de priorité. Il devra verser 1.800 euros de dommages et intérêts à la personne aveugle, 1.500 à son frère et 1.000 euros à chacun au titre des frais de justice.
Les faits
L'affaire avait trouvé un écho médiatique grâce à une vidéo relayée sur les réseaux sociaux, filmée par un policier en civil qui roulait à vélo avec une camera GoPro allumée. La vidéo montre un homme aveugle muni d'une canne blanche s'engageant avec un accompagnateur sur un passage pour piétons dans le XIIe arrondissement de Paris, le 16 juin. Une berline noire frôle les deux hommes, leur coupant la priorité. L'accompagnateur donne un coup sur le toit de la voiture qui s'arrête. Le chauffeur descend et agresse physiquement et verbalement l'accompagnateur, lui assénant des claques. Il s'en prend également à son frère, lui criant "Enlève tes lunettes, je vais te frapper".
Incivilités nombreuses
Un témoin essaie d'intervenir ainsi que l'épouse de l'automobiliste. Lorsque le témoin annonce qu'il va appeler la police, l'homme et la femme remontent dans leur voiture et s'en vont. "Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, je me suis très mal comporté", a résumé le prévenu, contrit et demandant "pardon". "J'étais dans un état de colère... Il me semblait que j'avais le temps de passer" sans marquer l'arrêt, a-t-il expliqué, ajoutant que le coup frappé sur sa voiture avait rendu son épouse nerveuse. L'homme aveugle, qui a craint d'être frappé sans pouvoir évaluer la situation, a expliqué avoir ressenti a posteriori un "stress" élevé, s'être plusieurs fois "refait le film". "On a l'habitude des incivilités à Paris mais c'est la première fois que nous avons à faire à quelque chose de violent", a témoigné son frère.
Handicap pas assez visible ?
Trois associations ou fédérations défendant les personnes aveugles ont été déboutées, le tribunal estimant que si "la vulnérabilité" du piéton était apparente, "aucun élément ne démontre que le prévenu avait conscience qu'il était non-voyant ou malvoyant" lorsqu'il l'a menacé. Le procureur avait requis des amendes et l'annulation de son permis de conduire, décrivant une scène "édifiante" et estimant que le retraité ne pouvait ignorer que l'un des piétons était aveugle. Le prévenu "a toujours dit qu'il ne s'en est rendu compte qu'au moment" où il l'a menacé, avait répondu son avocate, Me Marie Monsef: "Vous (avez affaire à) des violences physiques avec désistement volontaire". Elle avait demandé sa relaxe s'agissant des violences psychologiques contre l'homme non-voyant, estimant que l'infraction n'était pas caractérisée mais admettant "un comportement inacceptable".