Par Cassandre Rogeret avec AFP
Une maladie dégénérative de la rétine l'avait privé de sa vue, la science la lui restitue... Un patient de 58 ans recouvre partiellement la vue grâce à l'optogénétique. Cette technique innovante est un savant mélange de thérapie génique et de stimulation lumineuse. Cette réussite sur l'Homme constitue « une première mondiale », saluent les chercheurs français, suisses et américains à l'origine de cet essai clinique publié le 24 mai 2021 dans la revue scientifique Nature Medicine.
2 millions de personnes touchées
Le patient ayant participé à cette étude inédite (en lien ci-dessous) est atteint de rétinopathie pigmentaire, une maladie dégénérative qui provoque la destruction des cellules photoréceptrices de la rétine et évolue généralement vers la cécité. Cette pathologie héréditaire, causée par des mutations de plus de 71 gènes différents, touche environ deux millions de personnes dans le monde et peut apparaître à n'importe quel âge, le plus souvent entre 10 et 30 ans. Dans le cas d'une vision « normale », les photorécepteurs de la rétine utilisent des protéines capables de réagir à l'énergie lumineuse, les opsines, qui fournissent des informations visuelles au cerveau via le nerf optique. Afin de restaurer la sensibilité à la lumière, « le patient s'est vu injecter le gène codant pour l'une de ces protéines, appelée ChrimsonR, qui détecte la lumière ambrée », décrivent les auteurs de l'étude.
Des lunettes sur-mesure
Près de cinq mois après l'injection, pour laisser le temps à l'organisme de produire cette protéine en quantité suffisante, il a effectué différents exercices, équipé de lunettes dédiées munies d'une caméra. Leur spécificité ? Elles permettent de projeter des images de couleur ambre sur la rétine. Résultat : « Sept mois plus tard, le patient a commencé à rapporter des signes d'amélioration visuelle », expliquent dans un communiqué l'Institut de la vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS) et l'hôpital parisien des Quinze-Vingts, spécialisé en ophtalmologie. « Avec l'aide des lunettes, il peut désormais localiser, compter et toucher des objets », ajoutent-ils.
Tests concluants
Le premier test consistait à percevoir un grand cahier et une boîte d'agrafes. Le patient est parvenu à toucher le cahier dans 92 % des cas mais n'a pu saisir la boîte que dans 36 %. Il a ensuite réussi à compter des gobelets posés sur une table près de deux fois sur trois. Pour le troisième test, un gobelet était alternativement posé ou retiré de la table et le patient devait indiquer s'il était présent ou absent, via un bouton dédié, tandis que son activité cérébrale était mesurée à l'aide d'un casque d'électroencéphalographie. Un logiciel interprétant les enregistrements des électrodes a pu dire avec une précision de 78 % si le gobelet était présent ou non, confirmant « que l'activité cérébrale est bien liée à la présence d'un objet, et donc que la rétine n'est plus aveugle », affirme le professeur Botond Roska, l'un des chercheurs ayant dirigé l'étude.
Des avancées médicales prometteuses
Gensight Biologics, spécialisée dans les thérapies géniques pour le traitement des maladies neurodégénératives de la rétine, « compte lancer prochainement un essai de phase 3 pour confirmer l'efficacité de cette approche thérapeutique, révèle le professeur José-Alain Sahel, fondateur de l'Institut de la vision, dédié aux maladies de la rétine. Mais il faudra du temps avant que cette thérapie puisse être proposée... »
Deux mois plus tôt, c'est Jamal Furani, un israélien de 78 ans, atteint d'une cécité progressive, qui recouvrait la vue grâce à une cornée artificielle (article en lien ci-dessous) implantée directement dans la paroi oculaire de son œil droit. Composé d'un matériau « biocompatible qui imite la microstructure de la matrice extracellulaire », elle vise à remplacer des cornées déformées, opacifiées ou abîmées, sans nécessiter de tissu donneur. Des avancées médicales prometteuses pour les 36 millions de personnes aveugles à travers le monde.