15 millions de bébés viennent au monde, chaque année, de manière prématurée (avant la fin des 37 semaines de grossesse), avec un risque plus élevé de présenter des troubles cognitifs et sensoriels mais aussi une infertilité à l'âge adulte. Et si le monoxyde d'azote (NO) était la solution ? C'est la théorie avancée par des chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)* qui publient leurs résultats dans la revue Science translational medicine le 5 octobre 2022.
Une maladie rare avec des symptômes communs
C'est en menant des travaux sur l'hypogonadisme hypogonadotrope congénital que les scientifiques ont découvert le « potentiel thérapeutique » du monoxyde d'azote. Cette maladie rare, qui se caractérise par un retard pubertaire ou une absence complète de puberté à l'adolescence, entraîne également une infertilité. « Certaines formes de la maladie sont dues à un défaut de production de l'hormone GnRH qui, produite dans le cerveau, contrôle à distance, via différents intermédiaires, le développement et le fonctionnement des gonades mâles et femelles (ndlr : les testicules et les ovaires) », explique l'Inserm. L'équipe de Vincent Prévot, directeur de recherche Inserm et spécialiste des dialogues entre le cerveau et le reste de l'organisme, a jeté son dévolu sur un neurotransmetteur, le monoxyde d'azote, et plus particulièrement l'enzyme qui le synthétise appelée NOS1. Le NO, du nom de sa formule chimique, « supprime l'activité électrique des neurones à GnRH et module la libération de cette hormone, il n'était donc pas exclu qu'un défaut de fonctionnement de NOS1 soit à l'origine de cas d'hypogonadisme hypogonadotrope congénital », détaille Vincent Prévot.
Pour aller plus loin, son équipe a collaboré avec un laboratoire de Lausanne (Suisse) disposant d'une cohorte de 341 patients atteints de cette maladie. A partir d'échantillons d'ADN, ils ont recherché la présence de mutations rares sur le gène codant l'enzyme NOS1 et en ont trouvé cinq différentes pouvant expliquer la pathologie. Certains des individus concernés présentaient, en plus des problèmes de fertilité, des troubles sensoriels et cognitifs.
Minipuberté exacerbée
L'étape suivante consistait à développer un modèle de souris déficientes en NOS1 pour mieux comprendre le rôle de cette enzyme. Outre les altérations sensorielles et neurologiques, les chercheurs ont constaté une exacerbation de la minipuberté. « La minipuberté survient chez tous les mammifères, juste après la naissance (entre un et trois mois chez l'humain), et déclenche une première activation par le cerveau de l'axe contrôlant la reproduction avant la 'vraie' puberté à l'adolescence », détaillent-ils. Ils ont également observé que le pic d'hormone sexuelle associé était deux fois plus important chez les souris déficientes en NOS1. « Cela nous a interpellé car les nourrissons nés prématurément présentent aussi fréquemment une minipuberté plus intense que la normale. Et plus la prématurité est importante, plus le risque de complications neurosensorielles et mentales à l'âge adulte l'est aussi », rappelle Konstantina Chachlaki, première auteure de l'étude.
Les scientifiques ont donc décidé de tester l'administration de monoxyde d'azote chez les souris déficientes en NOS1 pendant la période de minipuberté. Résultat, « les problèmes de puberté et les troubles sensoriels et neurologiques ont disparu et, ce, semble-t-il, pour le restant de leur vie », se réjouissent-ils.
Un essai clinique en cours
Face à ces résultats jugés « prometteurs », ils ont lancé un essai clinique « pour tester l'effet du monoxyde d'azote chez des bébés prématurés », expliquent Vincent Prévot et Konstantina Chachlaki, qui coordonnent le projet européen miniNo. Lancé au CHU de Lille, en partenariat avec un hôpital d'Athènes (Grèce), il vise à étudier le rôle de la minipuberté chez ces enfants. Objectif : inclure, dans l'essai clinique, 120 patients sur les deux sites en 24 mois.
* et du CHU de Lille et de l'Université de Lille, au sein du laboratoire Lille neuroscience et cognition