Près de 800 000 bébés voient le jour, chaque année, en France dont 60 000 avant terme. Parmi eux, près de 10 000 naissent entre cinq et sept mois de grossesse. Ceux qu'on appelle « grands prématurés » pèsent parfois entre 500 et 600 grammes et peinent à atteindre un ou deux kilos ; un poids plume qui entraîne parfois de lourdes conséquences. Alors que la grande prématurité concerne 1 % des naissances, elle représente 50 % des décès néonataux et 25 % des handicaps d'origine périnatale. Ces dernières décennies ont été marquées par des évolutions significatives dans la prise en charge des « prémas ». Les médecins peuvent, par exemple, prescrire des corticoïdes à la future maman pour mieux les préparer à la naissance. Mais quels sont les bénéfices de ces nouvelles pratiques sur le long terme ? C'est avec l'ambition de répondre à cette question que le chercheur Pierre-Yves Ancel a créé la cohorte Epipage-2, une étude épidémiologique qui porte sur 4 500 enfants nés prématurément au cours de l'année 2011, en France.
Quelle santé dans 50 ans ?
« Si l'on veut comprendre la santé des adultes dans cinquante ans, il faut s'intéresser à la santé des enfants aujourd'hui », estime l'épidémiologiste. Cette étude nationale vise donc, notamment, à « mieux connaître le devenir des enfants prématurés » pour mettre en lumière les difficultés qu'ils rencontrent et ainsi leur proposer une prise en charge adaptée. Elle fait suite à Epipage 1, lancée en 1997 dans neuf régions de France. Pour mener son projet à bien, il fait appel à des pédiatres, des obstétriciens… Ensemble, ils forment l'équipe EPOPé (Recherche en épidémiologie périnatale, obstétricale et pédiatrique) de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et de l'université Paris Descartes. Les chercheurs suivent les enfants de près, de leur naissance à douze ans, grâce à des visites médicales et par le biais de questionnaires que remplissent « régulièrement » leurs parents. « Si nous pouvions les suivre jusqu'à l'âge adulte, ça serait évidemment formidable parce que ça permettrait d'évaluer concrètement et de manière objective les conséquences de la prématurité et de sa forme la plus sévère », lance Pierre-Yves Ancel.
Baisses des handicaps moteurs et sensoriels
Epipage-2 a permis de montrer que « les handicaps moteurs et sensoriels des enfants prématurés étaient, en général, en baisse en France, indique le chercheur. Quant aux difficultés cognitives (langage, raisonnement, capacités d'adaptation, etc.), elles font l'objet d'une étude spécifique en cours. » En revanche, elle a aussi révélé que la survie des « prématurés extrêmes », nés à cinq mois de grossesse, était, en France, « nettement inférieure à celle d'autres pays ». Pierre-Yves Ancel et son équipe ont constaté « une moindre volonté à les prendre en charge » de manière « très active », par peur « de créer du sur-handicap ». Or certaines études récentes montrent que dans d'autres pays (Japon, Suède, Etats-Unis…), une prise en charge « active » augmentait, certes, la survie « mais pas forcément le risque de handicap ». Suite à cette découverte, un groupe de chercheurs a été constitué et devrait prochainement émettre plusieurs recommandations pour faire évoluer les pratiques.
Nouvelles pistes de recherches
« La prise en charge a pas mal évolué en l'espace de 15 ans, notamment dans les années 90 avec des traitements qui ont considérablement amélioré la survie des enfants, conclut-il. Depuis, les progrès ont été faits dans la diffusion progressive de traitements efficaces. » Mais il reste encore beaucoup à faire… Pour François Goffinet, obstétricien et chercheur de l'équipe EPOPé, « les choses se jouent parfois bien avant la naissance ». Ce sera bientôt l'objet d'une nouvelle étude… En attendant, les chercheurs de l'Inserm peuvent se réjouir d'avoir remporté le Grand Prix de la recherche, le 28 mars 2019, à l'occasion du 50e anniversaire de la Fondation de France. Depuis sa création en 1969, la Fondation consacre, chaque année, près de 30 millions d'euros pour faire avancer la recherche.