Les sensations de chaleur ou de fraîcheur sont essentiels pour prévenir d'un danger. Un anti-brûlure et engelure naturel dont certaines personnes, notamment amputées, sont privées. Du moins étaient ! Des chercheurs de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Hillary Sanctuary, EPFL), en Suisse, ont mis au point une technologie bionique qui a permis à 17 participants sur 27 de ressentir la chaleur et la fraîcheur sur les bras dont ils sont, depuis plusieurs années, dépourvus. Une étude « fraîchement » publiée dans la revue scientifique Science en mai 2023.
Un capteur thermique relié à des électrodes
Pour réaliser cette prouesse, Solaiman Shokur et Silvestro Micera, codirecteurs de l'étude, ont mis au point le MiniTouch : un système de retour sensoriel thermique conçu pour s'intégrer dans des dispositifs portables. Ce capteur fin, placé sur le doigt d'une prothèse de main, détecte plus spécifiquement la conductivité thermique de l'objet touché. S'il est métallique, il dégagera plus de chaleur, et s'il est en plastique, plus de fraîcheur. Au même moment, des électrodes thermiques ou « thermodes », en contact avec la peau de la personne amputée, relaient « le profil de température » de l'objet touché par le capteur en chauffant ou en se refroidissant.
Même sensation qu'avec la main « intacte »
« Quand je touche le moignon, je ressens des picotements dans ma main fantôme. Mais ressentir un changement de température, c'est autre chose, quelque chose d'important, de merveilleux », témoigne Francesca Rossi, originaire de Bologne, en Italie. D'autant que « les patients perçoivent les sensations thermiques fantômes de la même manière qu'avec leur main intacte », souligne Solaiman Shokur, maître d'enseignement et de recherche à l'EPFL, dans la vidéo ci-dessus. Francesca affirme ainsi se sentir « reconnectée à son bras manquant ». « Il est à nouveau là ! », se réjouit-elle. Outre la chaleur, les participants ont ainsi pu identifier la matière des objets touchés : cuivre, plastique et verre.
Retrouver un sentiment d'affection
« Le retour sensoriel thermique est essentiel au relais des informations qui vont au-delà du toucher. Il ouvre la voie à un sentiment d'affection. Nous sommes des êtres sociaux, pour qui la chaleur joue un rôle important », explique Silvestro Micera, professeur à l'EPFL. « Pour la première fois, après de nombreuses années de recherche dans mon laboratoire, nous pouvons envisager de restaurer l'ensemble des sensations fines qui peuvent émaner d'une main », se félicite ce spécialiste en neuroingénierie translationnelle. Cette découverte permet d'envisager le développement de nouvelles technologies bioniques visant à « réparer le corps humain ». Prochaine étape : optimiser le réglage fin des sensations thermiques et leur intégration dans un dispositif adaptable à chaque patient.