Des prothèses customisées pour "casser les codes"

Avec ses "prothèses à paillettes", Estelle Lehouck ose désormais s'afficher. Amputée des 2 jambes, elle utilise comme des "accessoires de mode" ses appareils, customisés par un orthoprothésiste qui s'est lancé dans le design pour "casser les codes".

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Illustration article Des prothèses customisées pour "casser les codes"

Par Tom Masson

"Au départ, je voulais une prothèse qui imitait une jambe, comme pour remplacer ce que j'avais perdu", déclare Estelle Lehouck, qui a subi une double amputation tibiale en 2018. "Ces paillettes, pour lesquelles j'ai longtemps hésité, me permettent d'avoir moins honte et d'oser les montrer. (...) Je suis une femme coquette, j'ose davantage mettre des robes. Mes appareils sont devenus un accessoire de mode", dit fièrement cette gestionnaire en assurances de 31 ans.

Accompagner son travail de reconstruction

C'est Simon Colin, un orthoprothésiste de Roubaix âgé de 37 ans, qui lui a soumis cette idée pour accompagner son travail de reconstruction. Celui-ci "durera toute une vie", affirme Estelle. "Mais mon regard a changé. Mon entourage a remarqué la différence." Lors d'un rendez-vous de réglage, elle discute d'un prochain modèle, pour alterner, avec Marion Fourmaux, 33 ans, dans son cabinet de Méteren (Nord). Il devrait être gris clair et toujours pailleté. "Quand on se souvient de l'état d'Estelle à son arrivée chez nous et maintenant, le chemin parcouru est énorme", se réjouit la prothésiste. Pour elle, "ce petit plus" offert par des appareillages personnalisés est un "vrai soutien" pour les personnes amputées.

"Ma signature"

Samih Benabdelhadi, aide-soignant de 25 ans, porte, lui, un appareillage orthopédique gris métallisé, avec un "petit côté Terminator" ou "Robocop", comme s'en amusent les enfants. "Ça casse ce mythe de l'handicapé qui doit se cacher" (sic), affirme-t-il, en flânant dans le même parc de Harnes (Pas-de-Calais) où il a perdu sa jambe droite à vélo onze ans plus tôt. "Je me sens bien avec ma propre image. C'est ma signature et je l'assume", lance ce vice-champion de France de boardercross handisport (course d'obstacles en snowboard) en enfourchant son VTT. "Grâce aux motifs, on n'hésite pas à me poser des questions. C'est en expliquant notre quotidien, en faisant ce travail 'd'éducation' (ndlr : il n'aime pas ce terme) que les mœurs vont évoluer", affirme-t-il.

Revendiquer qui on est

La personnalisation de sa prothèse a également été imaginée par Simon Colin, qui a créé son atelier U-Exist en 2014 à Roubaix pour "casser les codes" du handicap. "J'ai vite compris qu'il fallait faire quelque chose pour remplacer ces prothèses faites par mimétisme du corps humain ou du membre perdu", développe le designer, barbe, chignon et tatouages. Son catalogue propose 300 motifs pour tous types d'appareils orthopédiques : un avant-bras avec des motifs de papillon, un corset rose à licornes, un tibia graffé... Mais il peut aussi créer des motifs à la demande ou imprimer une photo personnelle. "Avec ce type d'appareils, on a la force de revendiquer qui on est. Le handicap peut devenir une surface d'expression, un exutoire", estime-t-il.

Personnalisation prise en charge

Il travaille avec quelque 150 prothésistes à travers la France, qui appliquent eux-mêmes ses créations, en papier transfert ou lycra, sur l'appareillage lors de sa fabrication. "La prothèse est remboursée par la Sécurité sociale. On fait en sorte que la personnalisation", qui coûte 5 à 40 euros pour les motifs du catalogue, "soit prise en charge par l'orthoprothésiste", détaille-t-il. Amputé de la jambe gauche depuis 34 ans, Denis Fournier, 51 ans, a, lui, choisi des bas personnalisés colorés et à motifs, une autre proposition de Simon Colin, à enfiler par-dessus sa prothèse pour alterner en fonction de son "style vestimentaire". "Pendant longtemps, on se contentait des bas de contention de mamie, roses et vieillots", mais "le handicap n'est pas has been", affirme ce cadre télécom près de Lille, qui trouve désormais ses prothèses "plus fun".

© Instagram u.exist

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