Par David Arrode
Echelles, escabeaux, bâches, pots de peinture et de pinceaux... Dans le parking en sous-sol de l'association "Du côté des femmes !", à Cergy Saint-Christophe (Val d'Oise), Zina, une jeune femme de 26 ans en situation de handicap, Naouel, Nadia et deux autres collègues s'activent pour préparer le camion qui le lendemain va emporter le matériel sur un chantier à Versailles. Toutes participent au chantier d'insertion, "les embellisseuses d'avenir". Le projet a été créé par l'association "Du côté des femmes !". Héritière de la Maison des femmes ouverte à Cergy en 1983, elle milite depuis 40 ans pour l'autonomie et l'émancipation des femmes.
Prendre confiance en soi
Avant le départ pour le chantier versaillais, Zina (aucun nom de famille ne sera mentionné à la demande des femmes interrogées), est préposée au bon ordonnancement "pour que rien ne se renverse" pendant le trajet. Elle doit éviter les charges trop lourdes. Juchée sur la plateforme du camion, elle range avec minutie et gronde gentiment une collègue qui n'a pas mis ses chaussures de sécurité pour le chargement. "C'est un travail qui demande beaucoup d'énergie mais les femmes sont capables de le faire !", rigole Naouel. Pour cette maman isolée de 42 ans, "le plus pénible dans ce travail ? Les temps de transport" et la frénésie en fin de journée "pour aller récupérer (son) petit à la garderie". A 49 ans, Nadia n'avait jamais travaillé dans le BTP mais plutôt auprès des enfants dans les cantines des écoles. Elle a été contrainte de s'arrêter. Comme ses collègues, elle ne s'épanche pas. Tout juste confie-t-elle que son mari a des problèmes de santé et qu'elle a besoin de "ce travail qui donne confiance en soi".
Lever les freins à l'embauche
Adulte handicapée, allocataire du RSA, chômeuse de longue durée, victime de violences conjugales... les "embellisseuses" ont des profils variés mais "un point commun : elles ont toutes galéré", explique Mariam Baraka, responsable du chantier d'insertion. Ici, l'idée est de "lever les freins à l'embauche de ces femmes, de leur donner les codes pour entrer sur le marché et s'y faire une place à parité avec les hommes". Le tout avec un professionnalisme revendiqué. "Le client attend de nous un travail sans reproche", rappelle avec insistance l'encadrante du chantier d'insertion, Christelle Ruscade à son équipe. "Un petit dépassement de peinture, ce n'est pas possible."
Déconstruire les stéréotypes
Mais les "embellisseuses" sont aussi "un travail de déconstruction des stéréotypes", relève Mme Baraka, glissant malicieusement qu'"avec notre structure d'insertion, 100 % féminine et spécialisée dans le BTP, on cumule les préjugés". Les métiers du BTP demeurent fortement "masculinisés" avec une proportion d'au moins 65 % d'hommes, rappelle l'Observatoire des inégalités. Le secteur connait pourtant de fortes tensions de recrutement. Comme un clin d'œil, sur le mur du bureau de la responsable des "embellisseuses" est accrochée la photo d'une paire de chaussures de sécurité avec cette légende : "Existent aussi en 36".