Des caissiers (un peu) formés à la langue des signes?

"Bonjour, ticket de caisse, tout va bien ?..." Dix mots en Langue des signes française sont enseignés aux agents de caisse d'une grande chaîne de distribution française. Le b.a.-ba, certes, mais qui permet d'améliorer l'accueil des clients sourds.

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DERNIERE MINUTE DU 12 JUILLET 2022
Après Carrefour en octobre 2021, c'est au tour de Castorama de former ses vendeurs à l'accueil des clients sourds et malentendants. Alors qu'une sensibilisation à la culture sourde est proposée aux collaborateurs depuis plusieurs années, l'enseigne a souhaité aller plus loin en créant un cursus d'initiation à la langue des signes française (LSF). En novembre 2021, en partenariat avec l'organisme Cohérence, un premier groupe a suivi une formation de 30h pour acquérir les fondamentaux en LSF. Onze sessions de formation se sont ensuite tenues depuis janvier 2022, et deux sessions complémentaires sont programmées d'ici la fin de l'année. Grâce à cette formation, 70 % des magasins disposent aujourd'hui d'un référent formé, avec une ambition de 100 % d'ici fin 2022.

ARTICLE INITIAL DU 19 OCTOBRE 2021
Un caissier de grande surface accueillant un client sourd avec quelques signes de LSF, c'est pour bientôt ? C'est en tout cas le cap donné par un groupe de grande distribution français, Carrefour pour ne pas le citer. Le 11 octobre 2021, il a lancé un plan d'action à grande échelle visant à développer la sensibilisation de ses personnels en magasin à la Langue des signes française, « afin de proposer la meilleure expérience possible à ses clients sourds et malentendants ». On estime entre 4 et 5 millions le nombre de personnes concernées par un trouble auditif en France, dont 300 000 avec surdité. Parmi eux, 100 000 pratiqueraient la LSF. Avec le port du masque généralisé et l'incapacité de lire sur les lèvres, l'enjeu est d'autant plus urgent et pertinent...

10 expressions pour le passage en caisse

Chez Carrefour, cet « apprentissage » est, il est vrai, très minimaliste : dix signes seulement, l'idée n'étant pas de « signer couramment » mais « d'inciter » les employés à accueillir leurs clients déficients auditifs en tenant compte de leurs particularités. Une campagne en interne est menée en parallèle avec pour credo : « Oui à nos clients sourds et malentendants.» « Quand ça arrive, ça fait du bien. Ce sont des petites attentions qui comptent », se réjouit par exemple Kim Auclair, jeune femme sourde avec un implant cochléaire. Les expressions choisies correspondent au b.a.-ba pour faciliter le passage en caisse, qui, admet le groupe, peut « parfois s'avérer difficile » pour ce public : « Bonjour, oui, merci, bienvenue chez Carrefour, s'il vous plaît, suivez-moi, ticket de caisse, tout va bien ?, carte de fidélité, au revoir ». Une fiche pratique sera également mise à disposition à chaque caisse, sorte d'antisèche, tandis qu'une vidéo tuto permet de rafraîchir les mémoires.

Réaction des usagers

Pour Cédric Lorant, président d'Unanimes, « l'accueil en LSF doit être plus étoffé pour le service après-vente qui nécessite plus d'échanges, d'explications voire de traitement de litige ». « Le recours à un dispositif de communication adaptée doit être mis en place avec un interprète en LSF ou un transcripteur de l'écrit, selon lui. Il est important de rendre accessible le service client et téléphonique mais le recours à ces mêmes dispositifs en magasin pourrait être un plus , par exemple l'appel de la même plateforme depuis une tablette connectée et mise à disposition au guichet Sav ». « Pas assez de signes, de la com », déplorent des personnes sourdes, sceptiques ; « D'autres enseignes l'ont fait et ça a fait pschitt », confie l'une d'entre elles. Certes, cette initiative n'est pas une première ; par exemple, des employés du Super U de Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher) se sont, eux aussi, initiés en 2021 à la LSF avec un dico bien plus étoffé, pas moins de... 900 mots !

Des formations plus approfondies

« Ça ne fera pas pschitt», riposte Ourida Takhedmit, responsable adjointe du centre de formation Aris (Association régionale pour l'intégration des sourds) France, partenaire de Carrefour depuis trois ans. Cette initiation rudimentaire ne serait que la partie émergée de l'iceberg puisque des formations approfondies sur cinq jours sont proposées à ceux qui souhaitent aller plus loin. Par ailleurs, une journée « Inclusion collaborateur sourd » peut aussi être proposée à tout magasin concerné par cette situation. « Nous avons beaucoup de demandes de la part de directeurs lorsqu'ils embauchent un salarié malentendant ou ont remarqué la présence de clients sourds dans leur magasin », complète Ourida. Des centaines de formation ont ainsi déjà été dispensées, inscrites dans le catalogue des formations du groupe au titre du plan de développement des compétences. Carrefour promet que chaque magasin disposera d'au moins un collaborateur sensibilisé d'ici fin 2022. D'autres centres de formation se sont installés sur ce créneau, proposant des cursus « Apprendre à accueillir et vendre en LSF », destinés aux personnels des musées, restaurants, magasins...

Un exemple à suivre

Cette démarche devrait donc s'inscrire dans la durée puisqu'elle relève d'une politique de groupe, portée par la direction. Son lancement s'est d'ailleurs fait en présence de Sophie Cluzel dans l'hypermarché de Ville-du-Bois (Essonne). La secrétaire d'Etat au Handicap entendait ainsi soutenir une démarche « volontariste » et transposable dans toute la filière. Selon elle, parce que « les grandes entreprises jouent un rôle essentiel », Carrefour « montre la voie », espérant que « d'autres enseignes suivront son exemple ». L'accessibilité universelle ne passe pas seulement par celle du bâti mais suppose (impose ?), aussi, une approche repensée de l'accueil des publics en situation de handicap.

Des heures calmes, déjà !

A ce titre, le principe des « heures calmes » s'est imposé dans les grandes surfaces depuis quelques années, auquel Carrefour a d'ailleurs contribué. Ces « temps apaisés », une ou deux heures par semaine, sans musique, sans annonce sonore, bip de caisse ou autre bruit parasite ni lumière agressive sont dédiés aux personnes avec des troubles du spectre de l'autisme ou un handicap psychique. D'abord initié dans une poignée de magasins au Royaume-Uni et en Australie, ce concept s'est étendu en France, au point de faire consensus auprès de nos députés. Adoptée en première lecture au Parlement en janvier 2021, la proposition de loi mettant en place une « heure silencieuse » dans tous les supermarchés français d'une surface de vente supérieure à 1 000 m2  entrera en vigueur début 2022. L'accueil en LSF connaîtra-t-il le même sort ? On signe !

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