Seules 31,3 % de femmes en situation de handicap ont déjà participé à un dépistage du cancer du sein, contre 52 % de la population globale. Tous cancers confondus, les personnes handicapées se font deux fois moins dépister, d'après Coactis Santé qui agit pour un meilleur accès à la santé de ce public. À l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le cancer, le 4 février 2025, l'association organisait un webinaire sur le thème « handicaps et cancers », un sujet dont s'empare encore timidement le secteur médical.
Méconnaissance des dépistages
Pourquoi un tel retard ? D'après Camille Koudrine, directrice du Centre de santé du Square de la mutualité, coordinatrice du dispositif de diagnostic santé dédié aux patients en situation de handicap, ces derniers « méconnaissent l'existence du dépistage ». Certains craignent de ne pas se sentir écoutés ou de se heurter à une incompréhension administrative. La Fédération nationale des centres régionaux d'études, d'actions et d'informations (Ancreai) a identifié en 2022 plusieurs freins, notamment : des « messages et campagnes de prévention non compréhensibles et inadaptés », la « méconnaissance et perte du courrier d'invitation », des « obstacles en lien avec la préparation, l'explication et la prise de rendez-vous, le déplacement vers le centre de radiologie, la durée d'attente, la réalisation de la mammographie et de l'examen clinique et la remise des résultats au patient »…
Quels outils ?
Pourtant, des solutions existent pour faciliter ce parcours. Coactis Santé s'efforce de les démocratiser. Elle a notamment développé des ressources pédagogiques telles que SantéBD (Handicap mental : SantéBD, ne plus redouter le médecin), une boîte à outils pour comprendre et expliquer la santé avec des images et des mots simples, accessible sur le site santebd.org ou encore HandiConnect (Polyhandicap et santé : une formation dédiée aux soignants), un site ressource accessible avec des fiches conseils et un accès à l'expertise pour aider les soignants dans leur pratique quotidienne auprès des patients handicapés.
Décloisonner médico-social et sanitaire
Les personnels soignants doivent aussi adapter leur approche. C'est l'engagement, par exemple, du Centre de santé du Square de la mutualité, qui, dans le cadre d'un projet d'expérimentation avec l'Institut national du cancer (l'INCa), propose un dispositif de diagnostic santé dédié au handicap. Un parcours de dépistage des cancers (colorectal, prostate, peau, col de l'utérus, sein, poumon) a été mis en place. Il est « personnalisé et adapté, organisé sur une demi-journée », avec un « accompagnement dédié », « accessible à tous types de handicap ». À travers ce dispositif, l'établissement a souhaité décloisonner le monde du sanitaire et du médico-social mais aussi assoir un « discours réconfortant » pour ces personnes.
Des stades avancés de la maladie
« On s'est rendu compte que les femmes en situation de handicap mentale n'étaient pas considérées comme ayant une activité sexuelle. Par conséquent, elles n'avaient pas de suivi gynécologique. Résultat, on a retrouvé des affections qui n'existaient plus dans la population générale », déplore Claire Charra-Brunaud, oncologue à l'Institut de cancérologie de Lorraine (ICL) et responsable médicale de la thématique « handicap ». Elle regrette des retards diagnostics importants, révélant « des tumeurs évoluées », s'accompagnant de difficultés particulières liées au traitement.
Du « gagnant-gagnant »
D'où la création à l'ICL d'un « comité de bientraitance », constitué d'un « groupe de travail orienté sur l'amélioration de la prise en charge des patients vivant avec un handicap ». Il veille à ce que chaque parcours bénéficie d'une anticipation des besoins, que chaque dossier médical comporte des précisions liées au handicap et donc aux adaptations inhérentes… Un fascicule en Facile à lire et à comprendre (FALC) a également été rédigé en collaboration avec un ESAT (Établissement et service d'accompagnement par le travail) voisin pour « rassurer » avant un examen ou une intervention. Enfin, une « box handicap » a été mise en place, comportant crayons de couleur, livrets de coloriage, loupe grossissante, bracelets métacarpiens permettant de fixer le crayon dans sa main. Là encore, l'objectif est de rendre l'information en santé accessible. « Cette voie est gagnante-gagnante car si on ne la prend pas, on est nous-mêmes en difficulté, précise Claire Charra-Brunaud. Or, les coûts de tous ces outils sont très modestes. »
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