Le 10 mai 2018, Emmanuel, un habitant de Beauvais de 41 ans, se présente à l'entrée de son supermarché Lidl. Malvoyant profond, il ne se déplace plus sans Linux, un labrador chien guide d'aveugle qui lui a été remis en juillet 2017. Le vigile leur refuse l'accès, invoquant le règlement. Emmanuel assure qu'il va quand même rentrer pour faire ses courses, comme il l'a fait le lundi précédent. Le vigile s'obstine. Emmanuel lui présente le texte de loi fourni par l'école de chiens-guides, qu'il garde toujours sur lui. Au cas où… Rien n'y fait.
Question d'hygiène
La responsable arrive et persiste en prétextant une question d'hygiène. « Elle m'explique que ce serait sale que Linux puisse poser sa truffe n'importe où », explique Emmanuel dans un message publié sur les réseaux sociaux. Il tente de la rassurer en lui assurant que maître et chien ont été éduqués pour éviter ce genre de problème. Pas moins de deux ans de travail et 25 000 euros ! « Elle ne veut rien entendre et, après cinq minutes de négociation, me demande pourquoi j'ai maintenant un chien alors qu'auparavant je venais sans… », poursuit Emmanuel. Ce dernier lui répond que ses facultés visuelles se dégradent. « Donc vous n'êtes pas aveugle », rétorque la responsable. Face aux protestations de certains clients, et notamment d'un employé de la mairie de Beauvais, elle consent finalement à le laisser passer, mais humilié, notamment par la remise en cause de son handicap, le maître préfère rebrousser chemin.
Chien et maître ne font qu'un
Ce refus fait aussitôt réagir la Fédération française des associations de chiens guides d'aveugles : « Les propos tenus par la responsable du supermarché montre le caractère insupportable et anormal de cette justification d'un handicap dans une société qui devrait être inclusive et non régressive. » Une histoire ordinaire qui met en exergue le manque de considération et d'information de grandes structures sur les lois en matière d'accessibilité. La fédération précise que « maître et chien guide ne font qu'un, et leur refuser l'accès à un lieu public équivaut à refuser l'accès à une personne en fauteuil roulant ou avec une canne. »
Une campagne de Wouf !
C'est dans ce contexte que la FFAC lance sa campagne de sensibilisation, le 13 mai (en lien ci-dessous). Elle opte pour un slogan et des visuels au ton léger et décalé, « Les chiens guides, c'est Wouf ! », dans un domaine qui l'est nettement moins. Parce que le cas de Linux est loin d'être isolé, elle regrette de « constater que les problématiques d'accessibilité continuent en 2018 ! ». La loi du 11 février 2005 rend obligatoire l'accès des chiens guides d'aveugles et d'assistance aux transports, lieux ouverts au public (transports, commerces, cinémas, restaurants, hôtels...), ainsi qu'à ceux permettant une activité professionnelle ou éducative. Un refus peut entraîner une amende allant jusqu'à 450 euros. « Sans exception, sans muselière et sans surcoût ! », réaffirme Paul Charles, président de la fédération.
Un compagnon hors pair
Seules 1% des personnes déficientes visuelles bénéficient d'un chien guide, un chiffre très « insuffisant » selon la FFAC. Chaque année, plus de 200 chiens sont remis gratuitement. À ce jour, 2 millions de personnes sont atteintes de déficience visuelle au sens large et 200 000 d'entre sont éligibles pour obtenir ce précieux partenaire, sésame d'une vie sociale pleine et entière. « Le chien guide, c'est le summum du chien d'aide à la personne, poursuit Paul Charles. Ce compagnon hors pair remplit son rôle, oriente, dirige et accompagne son maître dans toutes les situations et ce malgré́ les obstacles.»