* Conseil national consultatif des personnes handicapées
Handicap.fr : Le 18 janvier 2019, c'était la première séance plénière de l'année pour le CNCPH, clôturée par Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au handicap, venue présenter ses vœux. L'occasion de taper du poing sur la table…
Dominique Gillot : Oui, il y a eu un petit incident. Il y a quelques semaines, un projet de décret prévoyait d'installer des ascenseurs dans les immeubles neufs de trois étages, contre quatre auparavant, mais seulement dans les immeubles comportant plus de 12 appartements. Nous avons alors déploré la frilosité de l'administration à traduire la décision politique, sans condition, annoncée par le Premier ministre en septembre 2018 (article en lien ci-dessous).
H.fr : Pourquoi cette frilosité ?
DG : Parce l'installation d'un ascenseur dans des petits immeubles pourrait avoir un impact non négligeable sur les charges. Cet argument tentait de restreindre une décision politique obtenue de haute lutte par les associations. C'était inacceptable d'introduire ce type de restriction. Alors, nous avons dit : « Non ! ».
H.fr : Mais cet argument n'est-il pas cohérent, surtout dans les logements sociaux où les locataires ont des ressources limitées ? Dans une interview accordée à handicap.fr (en lien ci-dessous), Sophie Cluzel affirme qu'il sera parfois « nécessaire de trouver une solution dérogatoire et pragmatique pour les cas particuliers d'immeubles atypiques ou très petits ».
DG : Lors de la présentation du décret le 18 janvier 2019, l'administration a en effet tenté d'introduire cette notion de dérogation. Je ne cache pas qu'il y a eu un moment de tension alors j'ai alors coupé court : « Je ne veux pas entendre cela ». S'il y a vraiment des problèmes d'exécution, dans des cas très précis, la commission du CNCPH est prête à discuter et à donner des conseils. Les personnes handicapées sont capables de comprendre quand il y a un problème et, dans ce cas, une dérogation peut être envisagée. Mais en aucun cas ce principe ne doit être une condition à ce texte au risque d'ouvrir la porte à tous les excès. C'est finalement l'avis du CNCPH qui l'a emporté. La commission accessibilité a ensuite donné un avis favorable à l'unanimité ; un vote historique !
H.fr : Comment êtes-vous certaine que vous avez obtenu gain de cause ?
DG : La nouvelle version de l'article 1 du décret qui modifie le code de la Construction est très clair, il n'impose aucune condition de nombre de logements et ne prescrit aucune restriction.
H.fr : Mais le CNCPH a seulement un avis consultatif. Quelle garantie avez-vous que le texte ne sera pas modifié ultérieurement ?
DG : Il est vrai que tant qu'il n'est pas signé… Mais il y aurait là, pour le gouvernement, un vrai problème de crédibilité. Il ne peut pas en même temps instaurer un Grand débat national pour recueillir la parole des citoyens et restaurer la confiance et finasser sur des points de détails. La ministre Sophie Cluzel se bat pour cela, en s'appuyant sur la position ferme du CNCPH. Nous suivrons avec attention la signature de ce décret. Tout comme celui portant sur les conditions de mise en oeuvre de la définition des logements dits « accessibles » (20 %) et « évolutifs » (80 %), toujours dans la construction neuve…
H.fr : Quand ce décret devrait-il être appliqué ?
DG : Il devrait entrer en vigueur le 1er octobre 2019.
H.fr : Un autre sujet était à l'ordre du jour…
DG : Oui, c'est l'arrêté portant sur la simplification des démarches administratives et l'obtention de droits sans limitation de durée pour les personnes « dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement » (article en lien ci-dessous). Il prévoyait, au départ, une liste précise des maladies et de handicaps concernés mais c'était trop prescriptif et le CNCPH a dit « non ». La responsable de la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale) a convenu que ces « annexes » n'étaient pas justifiées. Les personnes qui rédigent ces décrets ont une bonne vision du sujet mais pas dans sa globalité. Il appartient au CNCPH de les conseiller, et l'écoute grandit. L'arrêté a été approuvé sans annexe par notre commission plénière ; il faudra préciser les conditions d'application pour avoir des conditions équitables sur l'ensemble du territoire.
H.fr : Quand doit-il entrer en vigueur ?
DG : Dès le 1er janvier 2019 pour les nouvelles demandes et au fil du temps pour les renouvellements. Cela va donc s'échelonner sur plusieurs années.
H.fr : L'école inclusive était également au menu de cette matinée ?
DG : Oui, nous avons également débattu de la contribution de la commission éducation du CNCPH sur la loi pour une Ecole de la confiance. Nous n'avions pas été saisi officiellement car le terme « handicap » ne figure pas dans cette loi, qui se veut de droit commun. Mais il était dommage qu'elle ne mette pas en évidence l'école inclusive, un atelier majeur que le ministre Jean-Michel Blanquer doit clôturer le 11 février 2019 au CNCPH. Nous avons donc adopté une contribution qui a été transmise aux parlementaires en vue d'amendements à introduire dans le texte de loi afin de bien prendre en compte les besoins des élèves en situation de handicap ou encore la place des parents au sein de l'école.
H.fr : L'avenir du CNCPH a-t-il également été discuté ?
DG : Oui, en effet, nous avons reçu le binôme chargé de faire des propositions sur son évolution. Il s'agit de Thierry Michels, député du Bas-Rhin, et de Carine Radian, personne qualifiée au sein du CNCPH. Il y a eu des échanges intéressants sur le sujet. Nous avons une réunion le 24 janvier 2019 pour y réfléchir. Leurs conclusions devraient être rendues le 19 avril, date de fin de mandat de notre conseil, ou plus probablement en juin dans le cadre de la clôture de la Conférence nationale du handicap par le président de la République (article en lien ci-dessous). L'idée étant de renforcer le CNCPH dans son rôle.