3 septembre 2014. Ces images font grand bruit. Timothée, un collégien de 15 ans, refoulé devant les portes du collège la Tourette, à Lyon, le jour de la rentrée. Filmé par sa maman. Timothée est autiste et, selon une notification de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) datant du 27 août 2014, doit être orienté vers un établissement médico-social. Sa maman, elle-même professeur d'art plastique, conteste, revendique et s'épuise pour que son fils continue à suivre une scolarité en milieu ordinaire.
Un parcours chaotique
Dans de nombreuses interviews accordées aux médias, elle explique ce parcours chaotique, ses nuits sans sommeil, ses semaines où son fils est contraint de rester à la maison, cet abyme dans lequel semble devoir tomber tout parent d'enfant autiste qui veut faire respecter ses droits. Son combat est louable, certainement indispensable. L'inclusion des élèves autistes dans l'Ecole de la République n'en est qu'à ses prémices et les réticences ont encore la vie dure qui dressent des barrières, pour certaines infranchissables.
148 000 vues pour cette vidéo
Toute cette histoire pourrait être cousue de fil blanc mais, en y regardant de plus près, un détail intrigue. Le principal du collège que l'on voit sur la vidéo, semblant impassible aux appels de la maman et au désarroi de Timothée, n'est pas forcément le « monstre » insensible que certains décrivent. Les réactions sur le Net se font en cascade, parfois très virulentes à son encontre. 179 000 vues pour cette vidéo en quelques jours, une déferlante… Le standard du collège ne cesse de sonner laissant percer la colère tandis que la maman de Timothée est venue le 2 septembre dérouler une banderole devant la façade : « Dans ce collège, on exclut les handicapés ».
Un principal dans la tourmente
Il s'appelle Eric Subtil. Or monsieur Subtil a été, de 2004 à 2012, principal du Collège public Elie Vignal (lire article en lien ci-dessous), près de Lyon, qui a la particularité d'être le seul en France destiné… aux enfants malades et handicapés. Il a toujours faut preuve d'une implication très forte en faveur de ces élèves, avec l'objectif, quand leur état de santé le permet à nouveau, de revenir dans le milieu ordinaire. Chaque année, une vingtaine d'élèves autistes y sont scolarisés avec un enseignement adapté. Nous avons réussi à joindre ce principal, qui se dit « bouleversé » par les propos tenus à son sujet et ne souhaite pas s'exprimer davantage, révélant seulement qu'il a toujours maintenu le dialogue avec cette famille. Bouc émissaire, dans cette affaire. La veille, la maman de Timothée avait prévenu qu'il ferait sa rentrée. Eric Subtil était seul devant la grille, en première ligne...
Des soutiens de parents
Mais d'autres se chargent de prendre sa défense. C'est notamment le cas de Valérie Le Névé. Elle est vice-présidente de l'association Autisme Rhône-Lyon Métropole, elle-même maman d'une jeune fille autiste. « Je comprends évidemment le point de vue de cette maman car j'ai été confrontée à ces mêmes choix mais je regrette que l'on s'en prenne de cette façon à ce principal. C'est plutôt le système qu'il faut accuser. La maman de Timothée refuse une orientation en IME (Institut médico éducatif) et c'est bien légitime car ces établissements ne sont pas tous adaptés aux personnes autistes, faute de programmes et de stimulations spécifiques. » Pas plus que les Ulis (Unité localisée d'inclusion scolaire) dans lequel on a également proposé une place à son enfant.
La France déjà condamnée
Dans une lettre ouverte, la maman de Timothée s'indigne : « Peu importe qu'on ne veuille pas de cette voie de garage, qu'il n'y ait de place dans aucun IME. Que la France ait été épinglée à cinq reprises par le Conseil de l'Europe pour son non-respect du droit des enfants et adolescents autistes à être scolarisés en milieu ordinaire. Cette orientation permet à l'école de dire "allez voir ailleurs". Or, ce n'est pas en excluant des enfants de la vie en communauté qu'on les prépare à intégrer la société. Ce placement en IME est un leurre. » « Alors c'est vrai, poursuit Valérie Névé, qu'on n'a sans doute proposé à cette maman aucune solution conforme à ses attentes. Mais, pour en revenir à monsieur Subtil, les parents d'élèves du Lycée Elie Vignal sont scandalisés par les propos lus sur le web car il a toujours pris des risques pour que leurs enfants puissent suivre une scolarité digne malgré des conditions parfois très périlleuses. Sans lui, et l'équipe de professeurs et d'AVS qu'il pilotait, la trajectoire scolaire de ma fille se serait rapidement terminée. Il a toujours fait preuve de bienveillance et d'humanité, contrairement à ce qu'on a pu dire sur lui. »
L'image négative de l'équipe éducative
De son côté, l'équipe éducative se fend d'un communiqué et exprime son « désarroi et son incompréhension ». « Nous refusons l'image négative qui est donnée d'une équipe éducative qui a accueilli cet élève depuis 2011 et s'est investie pour essayer de le faire progresser mais qui constate aujourd'hui que cette intégration est devenue très difficile voire dangereuse pour lui et les autres et que les apprentissages ne sont pas possibles (surtout dans des classes à 30 élèves). » Précisant par ailleurs que ce collège accueille treize élèves handicapés. La maire Nathalie Perrin-Gilbert se dit à son tour « interpellée par les conditions dans lesquelles se déroule la rentrée scolaire » de Timothée. Elle précise toutefois que l'adolescent « ne doit (en aucun cas) être instrumentalisé à d'autres fins que son propre bien ».
A l'école à tout prix ?
Son propre bien ? Même si la loi est du côté des parents, une inclusion en milieu ordinaire à tout prix a t-elle un sens ? La scolarité aux forceps ? Sur les bulletins rendus publics par la maman de Timothée, il apparait qu'il n'est plus noté. Sachant à peine lire et écrire, ses résultats sont trop bas et sa maman a souhaité qu'il soit préservé d'un « retour » trop violent. Contacté par France Info, Jean-Marie Krosnicki, directeur académique adjoint dans le Rhône, a rencontré cette famille deux jours après la rentrée. Il dénie toute discrimination. « Ce qui est en cause dans cette situation, ce n'est pas que l'enfant soit porteur d'un handicap, c'est l'écart qui existe entre les possibilités d'apprentissage et le niveau scolaire qui est envisagé », explique-t-il. Selon l'Eduction nationale, le principe de réalité doit prendre le pas.
Un élève isolé
Des changements d'AVS pendant des semaines ont eu des répercussions sur le comportement du jeune homme qui s'en est pris à l'une d'elle en juin 2014, engendrant cinq jours d'interruption de travail. Dans son collège, Timothée est souvent seul, isolé. Comme pour bon nombre d'enfants « différents », les années collège ne sont pas tendres. Justement, au sein du collège Elie Vignal, on en a conscience et le travail de socialisation est au cœur du dispositif. Des jeunes autistes déscolarisés à la suite de phobies scolaires apprennent à reconstruire ce lien avec l'autre, leur estime de soi, à reprendre confiance en eux.
Des années d'attente en IME
Alors certes, ce buzz de la rentrée peut indigner, susciter le scandale. Mais faut-il toujours, comme dans toute vindicte populaire, mettre un seul coupable au pilori ? Parfois, la colère et le désarroi sont tels que la forme prend le pas sur le fond. Enfin, le cas de Timothée ouvre un autre débat : en admettant que sa maman y consente, trouverait-t-il une place en IME ? L'attente se compte souvent en années…