* Agence française de lutte contre le dopage
Le contexte : Le 20 janvier 2019, à Tomblaine, deux jeunes handisportifs de boccia (un sport inspiré du bowling) sont tirés au sort pour un contrôle antidopage lors d'une compétition amateur (article en lien ci-dessous). Leur situation de handicap lourd complique le prélèvement et des articles parus dans la presse, et notamment sur handicap.fr, font état d'une situation jugée par leur famille « traumatisante » et « humiliante ». Parole à Damien Ressiot, qui dirige le département des contrôles de l'AFLD (Agence française de lutte contre le dopage), autorité publique indépendante responsable des contrôles en France.
Handicap.fr : Nous écrivions que ce contrôle avait « dérapé ». Ce n'est pas le cas ?
Damien Ressiot, directeur des contrôles de l'AFLD : Non, ce contrôle a été effectué dans le plus strict respect des règles en vigueur, édictées par l'Agence mondiale antidopage. Contrairement à ce qui a été rapporté, il n'y a eu aucun écart de la part de notre préleveur, qui a d'ailleurs mis fin au contrôle de sa propre initiative, comme le prévoit en pareil cas le manuel. La grande majorité de nos préleveurs sont médecins ou infirmiers. Ils sont en outre tous formés pour gérer de manière très professionnelle les opérations de terrain. Chaque contrôle antidopage, qu'il s'adresse à un sportif valide ou en situation de handicap, comprend un côté invasif qu'il ne s'agit pas de nier mais les sportifs soutiennent dans leur très grande majorité la lutte antidopage et sont tous d'accord pour estimer que cet inconfort est négligeable au regard de l'objectif, le respect de l'éthique sportive.
H.fr : Il a tout de même duré une heure, ce qui peut paraître contraignant ?
DR : C'est un délai extrêmement raisonnable. Certains contrôles urinaires peuvent se prolonger au-delà de quatre heures. Une fois de plus, nos standards prévoient, dans des cas extrêmes, l'arrêt du recueil des urines. C'est ce qui a été fait à Tomblaine.
H.fr : Les accompagnants de l'un des jeunes hommes ont jugé humiliant qu'il doive uriner la porte ouverte...
DR : Cette étape est indispensable et n'a pas vocation à humilier le sportif, bien au contraire, même s'il n'est pas vraiment naturel d'uriner devant un tiers. Néanmoins, c'est une étape obligatoire pour éviter la falsification des échantillons.
H.fr : Un des encadrants suggère alors de faire un prélèvement salivaire, moins invasif... Cette solution n'était-elle pas envisageable ?
DR : Non, ce type de prélèvement n'est actuellement pas utilisé dans le monde de l'antidopage car il n'a pas été validé scientifiquement. La matrice salivaire présentera peut-être, un jour, une réelle plus-value. Ce n'est pas encore le cas.
H.fr : Et le prélèvement sanguin, peut-il être mis en œuvre dans certaines circonstances, comme réclamé également par ces deux jeunes ?
DR : La nature des prélèvements effectués n'est pas interchangeable. Nous effectuons des contrôles urinaires dits conventionnels lorsque nous n'avons pas de raison de suspecter l'usage de certains produits très spécifiques qui ne se retrouvent que dans le sang. Le Département des analyses de l'AFLD peut détecter près de 300 molécules dans l'urine. Les prélèvements sanguins sont utilisés pour la réalisation d'analyses dites spécialisées, comme la détection de l'hormone de croissance par exemple. Ces analyses n'étaient pas pertinentes dans le cadre du contrôle de Tomblaine.
H.fr : Une famille a assuré que l'un des jeunes avait très mal géré le contre-coup de retour chez lui…
DR : Je respecte le ressenti de ce jeune sportif, qui a vécu son premier contrôle, et je peux comprendre qu'il ait eu du mal à le gérer. Cela dit, le préleveur de l'AFLD n'a commis aucune légèreté. Les acteurs de l'antidopage aiment les sportifs avant toute autre considération.
H.fr : Que diriez-vous à ce jeune ?
DR : Que le soumettre aux mêmes règles éthiques que les « valides », c'est reconnaître sa condition de sportif à part entière, son activité et ses talents. Que la politique de contrôles de l'Agence vise à reconnaître la diversité dans le sport à tous les niveaux. Il s'agissait de son premier contrôle. Sa réaction pourrait être celles d'autres sportifs qui ne seront peut-être pas davantage préparés à ce type de procédure. Les éduquer fait partie de notre mission de service public.
H.fr : Sur une compétition amateur, cela est justifié ?
DR : Oui, bien sûr. 30 % de nos 7 000 contrôles annuels sont réalisés dans le sport amateur, où nous nous plaçons également dans une logique de santé publique.
H.fr : Mais, dans ce milieu qui n'est pas forcément très au fait de la lutte anti-dopage, cet incident ne risque-t-il pas de se reproduire ?
DR : L'AFLD, en coopération avec le Ministère des sports et d'autres partenaires du mouvement sportif, multiplie les actions d'information et d'éducation auprès des sportifs, afin de préparer l'ensemble des publics aux contrôles antidopage qui sont inhérents à la pratique sportive.
H.fr : Qu'envisagez-vous ?
DR : Nous multiplions les contacts avec les responsables du monde handisport, qui comptent parmi nos partenaires naturels. Notre stratégie de contrôle est ambitieuse, et le sport paralympique fait partie de nos priorités. L'AFLD vient de créer un Comité de sportifs de haut-niveau qui a notamment pour objectif de véhiculer nos messages. Deux parmi eux sont en situation de handicap. Leur apport est déterminant dans l'élaboration de notre stratégie.
© AFLD + PooMtyKunG/Fotolia
Contrôle antidopage en handisport : question d'équité !
Un contrôle antidopage sur des sportifs en boccia fait polémique, rendu difficile par leur handicap. L'AFLD* apporte des précisions sur cette opération de contrôle conforme aux procédures et motivée par la nécessité d'équité entre tous les sportifs.