Un conducteur abattu par un policier au cours d'un contrôle routier... Ça se passe dans le sud-est des États-Unis, en Caroline du Nord, le 18 août 2016. Ce triste fait divers pourrait presque paraître banal au regard des bavures policières qui, dans ce pays, font régulièrement la une des médias. Mais cette affaire est singulière car le conducteur n'a pas répondu aux injonctions des forces de l'ordre tout simplement parce qu'il était... sourd ! Repéré pour excès de vitesse, Daniel Harris, un homme de 29 ans, a poursuivi sa route jusqu'à son domicile. « Il n'a même pas entendu la sirène, il n'a rien entendu », a commenté Mark Barringer, un voisin, à la chaîne locale WSOC. Après une « brève poursuite », le conducteur qui ne s'exprime qu'en langue des signes, sort de son véhicule, non armé, s'en suit une « interaction » avec le policier qui a « entraîné le tir d'un coup de feu », a expliqué le sergent Michael Baker, porte-parole de la police de la route de l'Etat, dans un communiqué. « Le conducteur a succombé à ses blessures sur place », a-t-il ajouté.
Un éducateur blessé
Fin juillet 2016, une autre affaire a défrayé la chronique ; à Miami (Floride), un éducateur spécialisé de 47 ans, afro-américain, est blessé par balle alors qu'il vient rechercher un jeune autiste qui a quitté le centre où il est pris en charge. Face aux sommations des policiers, l'homme s'allonge sur le sol, les mains levées. Son patient continue à jouer avec son petit camion, un objet difficilement identifiable à distance. Inquiet pour lui, Charles Kinsey tente alors de rassurer les policiers : « Tout ce qu'il a dans les mains, c'est un camion-jouet pour enfant. Un jouet. Je suis thérapeute comportemental dans un centre. Ne tirez pas. » Puis prévient le jeune homme : « Rinaldo, reste calme, s'il te plaît. Allonge-toi sur le ventre ». Mais dans un climat de tension raciale ravivée par la tuerie de cinq policiers blancs lors d'un défilé à Dallas quelques jours auparavant, un des policiers ouvre le feu sur l'éducateur, le blessant à la jambe. La scène, filmée par un témoin, a été largement relayée sur les réseaux sociaux.
IMC ou alcoolique ?
Ces deux faits-divers posent la question plus globale de la sensibilisation des forces de l'ordre à l'appréhension du handicap ; pour éviter de confondre refus d'obtempérer et troubles du comportement ou déficience sensorielle... Et pas seulement aux États-Unis ! En France, l'histoire de Damien est édifiante : des agents sont prévenus par un passant intrigué par le comportement de cet homme qui fait de grands gestes et laisse échapper un filet de salive de sa bouche. Damien tente de leur expliquer que ses mouvements désordonnés et ses difficultés de déglutition sont dus à son handicap. Mais ses problèmes d'élocution rendent la conversation difficile. Attaché, il est emmené de force à l'hôpital par les pompiers. Ironie du sort, il se rendait à la « Semaine de sensibilisation au handicap » ! Hervé est lui aussi un habitué des contrôles routiers un peu « musclés » ; infirme moteur cérébral (IMC), ses attitudes peuvent être déroutantes et laisser supposer qu'il conduit en état d'ivresse. Face à ces apparences trompeuses, que faire ? Un exemple à suivre, celui Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ; il organise une formation « Approche du handicap dans les missions de police de proximité » avec l'objectif d'identifier les situations de handicap, de mettre en œuvre une communication adaptée et d'adapter son comportement lors des missions sur la voie publique.
USA : une fondation pour sensibiliser la police ?
De son côté, la famille du jeune sourd décédé a lancé une collecte pour couvrir les frais d'obsèques mais aussi pour créer, avec le surplus éventuel, une fondation en son nom pour informer et former les policiers en cas de confrontation avec une personne sourde-muette. Elle appelle également à une réforme du dispositif d'enregistrement des véhicules pour que soit signalé qu'un conducteur est sourd lorsque les policiers entrent un numéro d'immatriculation dans leur ordinateur. La récolte de fonds a atteint 10 000 dollars en quelques jours. Le policier a été suspendu avec effet immédiat le temps de l'enquête, a précisé la State Highway Patrol.
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