Aujourd'hui, vous allez nous parler de champions du monde. Le handisport, encore ? Mais il n'y a pas que cela dans la vie Philippe…
Mais vous n'y êtes pas du tout. Ces champions du monde-là sont coiffeurs, webdesigners, cuisiniers, dessinateurs industriels, fleuristes ou encore ébénistes… Ils seront réunis les 25 et 26 mars 2016 à Bordeaux pour les « Abilympics », un championnat du monde des métiers pour personnes handicapées. Tous les candidats seront en situation de handicap sensoriel, moteur, mental et psychique. Ils s'affronteront dans 49 épreuves réparties en cinq catégories : artisanat, services, nouvelles technologies, alimentation et industrie. Elles sont prédéfinies à l'avance par le pays hôte, identiques pour tous les candidats et durent au maximum 6 heures.
Abilympics, ça signifie quoi ? L'anglais ce n'est pas votre truc, on sait…
C'est la contraction des mots « abilities » qui signifie « compétences » et d'« olympics » car c'est en effet une vraie compétition. Il y a même eu des entraînements pour préparer les sélectionnés mentalement et physiquement. Et des stages et séminaires de cohésion ont réuni tout le Pôle France. Le slogan de cette édition bordelaise, c'est : « Common skill, uncommon people » (Compétences communes, personnes hors du commun).
Les Abilympics, ça existe depuis quand ?
Ils ont été créés en 1981 au Japon. Il y a déjà eu 9 éditions mais c'est la première fois qu'ils sont organisés en France. 600 candidats issus de 35 pays sont attendus.
Quel est l'objectif de ce championnat étonnant ?
Mettre en lumière les compétences de ces professionnels et donc favoriser leur insertion sur le marché du travail. C'est important pour les jeunes en situation de handicap de pouvoir se projeter à travers ces « champions » ; ils ont besoin de figures de référence pour prendre confiance en eux et se dire qu'avoir un métier c'est possible.
C'est donc une super entreprise de promotion pour convaincre le milieu professionnel que les personnes handicapées ont des talents.
Evidemment car, rappelons-le, la France comptait 468 426 demandeurs d'emploi en situation de handicap en juin 2015, soit 20% des personnes handicapées en capacité de travailler. Le double de la population dite « valide ». Cette compétition est vraiment la démonstration des compétences de chacun et pas une course aux médailles, même si certains pays se prennent au jeu et viennent surtout pour gagner. Pour les lauréats, c'est un travail assuré à la clé.
Et l'équipe de France a-t-elle toutes ses chances ?
A Séoul en 2011, elle avait remporté la médaille de bronze en web design et un médaillon d'excellence en bijouterie-joaillerie. Cette année, la délégation française est composée de 60 candidats de 16 à 65 ans.
Ce rendez-vous bordelais est ouvert à tous...
Oui, 60 000 visiteurs sont attendus à Bordeaux pour assister aux compétitions, à des conférences et débats ou participer à des ateliers de sensibilisation, comme des mises en situation de handicap.
Pour assurer sa promotion, une web-série a été lancée qui ne manque pas d'humour…
Oui, c'est assez pétillant, tout en étant très élégant. Elle s'appelle « Supporte un Abi ! » et met en scène sept candidats qui porteront les couleurs de la France. Il y a, par exemple, Océane, coiffeuse, ou Omar, soudeur. Chacun a joué le jeu avec une pointe d'autodérision qui change du pathos qu'on a l'habitude d'imposer aux personnes handicapées.
D'autres initiatives vont également dans ce sens et pourquoi pas une version Top chef !
Eh oui, et c'est vraiment du grand art. Ce concours de cuisine destiné aux marmitons handicapés s'appelle « Un pour tous, tous pour un » (article en lien ci-dessous). Proposé par la société Sodexo, il est accueilli dans les cuisines de la prestigieuse école Lenôtre, dans les Yvelines, où l'on forme les futurs talents venus du monde entier. La compétition se déroule sous l'œil expert de Michel Bras, le chef 3 étoiles, élu meilleur chef du monde en 2016. Ce concours est vraiment devenu un classique puisque en juin 2016 aura lieu la 18e édition.
En 2015, les concurrents handicapés mentaux, issus d'instituts ou de foyers, avaient pour mission de revisiter le dessert de leur enfance.
Et je vous assure que le résultat n'avait rien à envier aux meilleurs pâtissiers. Il y a encore quelques mois, Salima ne savait pas casser un œuf ; aujourd'hui, elle est devenue une virtuose de la crème pâtissière. Christian veut devenir pâtissier. Viviane travaille une semaine sur deux en cuisine et rêverait de ne plus jamais quitter les fourneaux. C'est Alkaly qui a remporté la partie ; dans son fauteuil roulant, il a exulté, ivre de joie…
Toutes ces initiatives tentent de porter un éclairage positif et performant sur les talents des personnes handicapées. Et, désormais, même certaines grosses entreprises ont pris conscience de ce potentiel et ont décidé d'accorder leur confiance, par exemple, à des personnes autistes. C'est le cas de Microsoft…
En avril 2015, Microsoft annonçait un programme d'embauche de personnes avec autisme, informaticiens le plus souvent mais pas seulement. Ses managers ont compris l'intérêt qu'ils pouvaient tirer de toutes formes de « diversités » ; certaines personnes autistes Asperger manifestent une étonnante capacité à retenir l'information, portent une attention sidérante aux détails ou excellent en mathématiques ou en langages codés.
Ça se passe en Allemagne, en Suède. En France aussi, même si cela reste plus rare.
On y vient, doucement mais sûrement. Près de Rouen, par exemple, l'entreprise Griss, spécialiste du numérique, n'emploie que des personnes autistes, trois ingénieurs jusque-là au chômage qui ne trouvaient pas d'emploi malgré leurs diplômes. Et ce n'est qu'un début. « Si on veut trouver de nouvelles solutions, il faut embaucher des gens qui pensent autrement, confie son dirigeant. » Voilà « penser autrement » c'est un peu le message que je veux envoyer. Tous différents mais pas dénués de talents !