Par Peter Murphy
Daryna, six ans, vit avec un handicap sensoriel et moteur. Réfugiée en Hongrie, cette petite Ukrainienne se retrouve sur la touche comme des milliers d'autres en Europe, faute de structure adéquate pour la prendre en charge. Exilée et marginalisée : une double peine que sa maman Yuliia Stavytska, 26 ans, trouve insupportable après seize mois de conflit.
Un programme pour les jeunes handicapés
"Elle a perdu un temps précieux", déplore la jeune coiffeuse aux tresses colorées, en marge d'une séance d'orthophonie à Budapest. Sa fillette blonde, vêtue d'une robe siglée Paris, s'amuse avec les sons, se livre à des jeux d'équilibre. Une aide modeste, fournie par Olena Andriichuk. Avant la guerre, cette femme dynamique dirigeait à Kiev une école comptant 87 enfants handicapés. Réfugiée elle aussi de l'autre côté de la frontière, elle planche désormais sur un programme de thérapie pour aider les jeunes en situation de handicap souvent oubliés de l'aide humanitaire. "Du fait de leurs troubles du développement et de leur méconnaissance de la langue, ils ne peuvent pas s'adapter au système scolaire local", explique-t-elle à l'AFP. A ce jour, une quarantaine de personnes ont exprimé leur souhait de rejoindre son projet baptisé AKSEN (Assistance for kids with special educational needs), pour lequel elle recherche des fonds. Parmi elles, la mère de Daryna, qui reprend peu à peu espoir.
Mobiliser les fonds nationaux
Les familles qui ont fui comptent dans 12 % des cas au moins un membre en situation de handicap, selon une récente étude de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). S'ajoutent des enfants placés en institutions, nombreuses en Ukraine, qui ont été évacués "dans le chaos" quand l'invasion est survenue, note le Forum européen des personnes handicapées. Dans un rapport publié la semaine dernière, l'Agence européenne des droits fondamentaux (FRA) estime qu'une "attention particulière" devrait être accordée à ces enfants, dont les droits sont garantis par les Nations Unies et la Convention de Genève. "Les fonds nationaux et européens devraient être utilisés pour proposer des cours de langue, augmenter les effectifs du personnel et accroître les capacités d'accueil", poursuit-elle. Pourtant, ce public prioritaire s'est retrouvé souvent très isolé une fois en lieu sûr, alors que la situation était déjà tendue dans les pays d'accueil.
Peu de places dans les structures publiques
Iryna Bryk, arrivée en Hongrie il y a plus d'un an, s'inquiète pour l'avenir de son fils autiste de neuf ans, Roman. "Quand l'invasion est survenue, je redoutais plus que tout sa réaction" face aux chars et frappes russes, raconte-t-elle. Maintenant elle ne sait plus si elle a fait le bon choix en quittant l'Ukraine. Arraché du jour au lendemain de son centre éducatif, le garçon brun aux yeux noirs ne bénéficie toujours pas de traitement adapté à Budapest, alors qu'il est "crucial d'agir vite". "Il y a peu de places dans les structures publiques", regrette cette enseignante de 31 ans, originaire de Cherkasy dans le centre de l'Ukraine. En attendant, Roman accompagne sa mère tous les jours à son travail dans une crèche dédiée aux petits réfugiés. Et, le soir, elle tente tant bien que mal de faire des activités de développement avec lui.
Pologne : une demande d'aide élevée
En Pologne, où de nombreux Ukrainiens ont trouvé refuge, les défis sont similaires. La fondation Patchwork, co-fondée à Cracovie par une Ukrainienne venue en 2014 avec sa fille handicapée Sonia, s'est mobilisée pour épauler plus de 180 familles ayant fui l'offensive militaire russe. Khrystyna Rudenko, 50 ans, veut "leur offrir les mêmes opportunités" que celles qu'elle a eues à son arrivée. Mais la demande élevée complique la donne. "Si la plupart décident de rester et de s'intégrer ici, de nombreuses familles ont préféré rentrer devant le manque d'aide. Là-bas, ils sont confrontés à des bombardements quasi quotidiens mais ils ont leur maison et leurs amis".