Guerre en Ukraine : le handicap, facteur de risque amplifié

Alors que plus d'un million d'Ukrainiens ont fui depuis le début de l'invasion russe le 24 février 2022, la situation des personnes handicapées retenues sur place est plus que préoccupante. Depuis la France, certaines associations se mobilisent...

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« La guerre compromet la vie, la santé et la sécurité de tous les êtres humains mais, pour environ trois millions de personnes handicapées et leur famille vivant en Ukraine, la situation est bien pire », a déclaré Yannis Vardakastanis, président de l'International disability alliance (IDA) et du Forum européen des personnes handicapées (EDF). Parmi ces, précisément, 2,7 millions d'Ukrainiens en situation de handicap, il y a Maryna, jeune femme autiste, piégée avec sa famille à Kiev et particulièrement choquée par les bombardements qui ont frappé la capitale ukrainienne depuis le début du conflit russo-ukrainien. Contrainte d'évacuer avec sa mère et sa grand-mère dans un abri anti-bombes, « Maryna était en état de choc, incapable de bouger », d'après la chaîne de télévision américaine CNN qui l'a interrogée.

4 % des infrastructures accessibles à Kiev

La configuration de Kiev et de l'ensemble des villes du pays rend l'évacuation et la protection des civils en situation de handicap particulièrement difficiles (article en lien ci-dessous). La plupart des refuges sont accessibles uniquement via des escaliers. Ainsi, seules 4 % des infrastructures de Kiev sont aujourd'hui adaptées, selon un article du media local Ukraïnska Pravda. Impossible également pour ces personnes à mobilité réduite de rejoindre l'exode massif de la population ukrainienne -déjà plus d'un million-, les centres de réfugiés et les bus qui permettent les transits frontaliers n'étant pas accessibles aux fauteuils roulants. Et quid des personnes avec une déficience sensorielle devant se déplacer dans un terrain aussi hostile ? L'AFP fait savoir qu'à Irpine, dans la banlieue de Kiev, personnes âgées et handicapées ont été contraintes, durant leur tentative d'exode, d'emprunter les décombres d'un pont franchissant la rivière que l'armée ukrainienne avait fait sauter quelques jours plus tôt. Enfin, difficile pour certains de s'approvisionner en médicaments, notamment contre l'épilepsie.

Panique dans les institutions

Dans certaines institutions spécialisées, c'est la panique, les résidents étant bien souvent livrés à eux-mêmes quand le personnel a été réquisitionné pour prendre les armes ou a fui le pays. Abandonnés, ces Ukrainiens restent, en plus, éloignés de l'information, aggravant leur isolement. Adam Zawisny, de l'Association polonaise pour les personnes handicapées mentales, dénonce un « trou noir effrayant » d'informations. Résultat, des milliers de personnes en situation de handicap sont contraintes de rester cloîtrées chez elles avec le risque de devenir des cibles, en première ligne, des attaques russes. Certaines, restées à demeure, ne ménagent pas leurs efforts et ont décidé de prêter main forte pour défendre le pays. A Tchernivtsi, à l'ouest, des femmes et des hommes en fauteuil se sont réunis au pied de leur immeuble pour préparer des cocktails Molotov. Au même moment, résistant à sa façon, l'équipe paralympique ukrainienne fait partie du trio de tête au classement des médailles au 4e jour des Jeux de Pékin (article en lien ci-dessous).

Les associations se mobilisent

De leur côté, les organisations humanitaires internationales tentent d'alerter sur ces grands oubliés de la guerre et appellent à protéger les plus vulnérables, « en vertu de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, en particulier l'article 11 sur les situations de risque et d'urgence humanitaire », invoquant également la résolution 2475 (2019) du Conseil de sécurité de l'ONU sur la protection des personnes handicapées dans les conflits, qui recommande d'offrir aux civils handicapés, touchés par les conflits armés, une assistance « durable, adaptée, inclusive et accessible ». Parmi elles, on peut compter sur la mobilisation de Handicap international, qui était déjà intervenue en Ukraine en 2015 et 2017. L'ONG agit sur place mais aussi à distance avec le lancement de l'opération « Stop bombing civilians Ukraine » sur les réseaux sociaux, invitant chaque citoyen à se prendre en photo en brandissant une main sur laquelle est écrit « Stop ».

En France, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) alerte le 4 mars sur « un risque disproportionné d'abandon, de maltraitance et d'isolement ». Il demande aux dirigeants politiques « de mobiliser les moyens humains et financiers des ministères pour faire parvenir dans les plus brefs délais l'aide matérielle », « de veiller à l'intégrité physique et la protection des personnes en situation de handicap (à leur domicile ou au sein des établissements qui les accueillent) et de leurs aidants », « de garantir l'accès aux services de base et la continuité des soins et d'éviter toute rupture des chaînes de soins ou d'accès aux médicaments » ou encore « de garantir l'accessibilité à l'information ». 

Priorité dans les couloirs humanitaires

L'Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) a fait savoir qu'elle offrait son expertise en matière de handicap pour faciliter l'accueil des réfugiés, sur le modèle d'un partenariat signé en 2017 avec le Samu social international. Quant au Collectif handi actif, il demande aux pouvoirs publics la création d'un « fonds européen spécifique » et d'un « plan réfugiés handicap ». Le gouvernement français, par la voix de son secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance et des familles, Adrien Taquet, a déclaré lors de la conférence ministérielle sur la mise en place de la garantie européenne pour l'enfance que « les 91 000 enfants en situation de handicap (ndlr : chiffre total des enfants accueillis dans les internats, la moitié seulement étant handicapés) qui sont dans des institutions en Ukraine doivent être prioritaires pour bénéficier des couloirs humanitaires ». Néanmoins, le Haut-commissaire aux réfugiés de l'ONU et la cheffe de l'Unicef ont allié leurs voix le 7 mars 2022 pour rappeler que le mieux pouvait parfois être l'ennemi du bien et qu'une évacuation sans prendre les précautions nécessaires pouvait mal se terminer, en mettant les enfants à portée de prédateurs et de trafiquants (article en lien ci-dessous).

Face à cette conjoncture exceptionnelle, certaines associations ont développé des outils adaptés pour permettre, cette fois-ci aux Français en situation de handicap mental, de comprendre les enjeux de ce conflit. Par exemple une notice rédigée en Facile à lire et à comprendre (FALC), illustrée de photos et de pictos (en lien ci-dessous). 

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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