Les députés débattent mercredi 21 janvier 2015 après-midi de la fin de vie, sujet délicat qui dépasse les clivages politiques traditionnels, en prélude à l'examen en mars d'une proposition de loi PS-UMP visant au consensus autour d'un droit des malades incurables à une « sédation profonde et continue ». Avant l'ouverture des discussions par Manuel Valls à 16h15, des rassemblements anti-euthanasie, d'ampleur limitée, ont été organisés à la mi-journée dans plusieurs villes, à l'appel d'associations rassemblées sous le sigle « Soulager mais pas tuer », avec en tête Alliance Vita, proche de la Manif pour tous. Ils étaient notamment quelque 300 personnes à proximité du Palais Bourbon pour dénoncer un projet d'« euthanasie masquée », 120 à former une chaîne humaine à Nantes, 70 à Rennes, 40 à Bordeaux.
L'administration de sédatifs jusqu'au décès
François Hollande, qui avait promis durant la campagne présidentielle un droit à « une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité » et avance prudemment sur les sujets de société depuis le Mariage pour tous, a fait « siennes » les propositions d'Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP). Elles sont porteuses selon le chef de l'État de « deux grandes avancées » pour arriver à un « apaisement des souffrances » et un « respect des décisions des malades ». L'administration de sédatifs jusqu'au décès serait admise pour les malades conscients dont les traitements sont inefficaces et dont les jours sont comptés et pour ceux qui font l'objet de traitements qui les maintiennent artificiellement en vie. En outre, les « directives anticipées », par lesquelles chacun peut stipuler son refus d'un acharnement thérapeutique en cas de maladie grave et incurable, seraient rendues contraignantes. L'église catholique, si elle souhaite que la proposition de loi soit mieux « balisée », notamment sur le droit à la sédation, ne s'y oppose pas catégoriquement et invite plutôt les parlementaires à la « réflexion ».
Liberté de conscience
Selon une des porte-parole des députés socialistes, Annick Lepetit, la proposition de loi « réussit à surmonter les blocages » et « semble avoir trouvé un équilibre entre la volonté de progrès et la nécessité de recueillir l'adhésion la plus large ». Et si « le groupe socialiste la soutiendra, sur un sujet aussi personnel il paraît évident que chaque député puisse avoir la liberté de conscience ». Les présidents des groupes UDI et du Front de gauche ont assuré la même liberté de vote à leurs députés. Le président de l'Assemblée nationale lui-même, Claude Bartolone (PS), est partisan de la légalisation du suicide assisté. « J'espère qu'on pourra faire évoluer le texte », a-t-il déclaré mercredi à France Info, tout en souhaitant que les débats soient « marqués par l'esprit du 11 janvier de rassemblement ».
Et du côté de l'UMP ?
Du côté des députés UMP, « la ligne (de la proposition de loi) convient », d'après leur patron Christian Jacob. Le respecté Jean Leonetti, auteur de la précédente loi sur la fin de vie remontant à 2005, en est le garant. Toutefois s'exprimeront après lui dans l'hémicycle plusieurs parlementaires aux positions divergentes dont Jean-Frédéric Poisson et Bernard Debré. A l'UDI, le texte est perçu comme « équilibré ». « Une fin de vie digne passe par la possibilité d'avoir une sédation qui permette en particulier de lutter contre ce qu'on appelle les 'souffrances réfractaires'», qui demeurent malgré les traitements, estime le chef de file des députés centristes, Philippe Vigier.
Des détracteurs à gauche ?
C'est à gauche que le gouvernement pourrait trouver ses détracteurs les plus farouches, les écologistes et radicaux de gauche voulant aller plus loin et prônant un droit à une « aide médicale à mourir » sans ambiguïté. Une proposition de loi EELV autorisant le suicide assisté et l'euthanasie dans certains cas a été rejetée mercredi matin en commission à l'Assemblée, avant un probable nouveau rejet dans l'hémicycle le 29 janvier. Son auteur, Véronique Massonneau, a appelé à être « à la hauteur de l'enjeu, des attentes » et à ne pas « se contenter d'un consensus mou qui ne satisfait personne ». « Il y a un travail de pédagogie » sur ce sujet où « le choix du consensus » a été fait, souligne-t-on de source gouvernementale. Il s'agit d'éviter « les doubles fractures », avec une partie de la gauche d'un côté et une partie de la droite de l'autre.