« A l'heure où les discours sur l'enfant semblent très en vogue, la parole de l'enfant est étrangement absente », interpelle Claire Hédon, qui déplore que « trente ans après l'adoption de la Convention par les Nations unies, la culture des droits de l'enfant peine à s'installer durablement ». A l'occasion de la Journée internationale pour les droits de l'enfant le 20 novembre 2020, en présence de son adjoint, Eric Delamar, tout juste nommé Défenseur des enfants (article en lien ci-dessous), la Défenseure des droits (DDD) a rendu public son rapport intitulé « Prendre en compte la parole de l'enfant : un droit pour l'enfant, un devoir pour l'adulte ».
Priorité aux vulnérables
Quel constat ? Que ce soit en famille, à l'école, dans le cadre de procédures judiciaires, dans les lieux de placement, de nombreux enfants ne sont pas en mesure de faire entendre leur voix et ne sont pas consultés sur des décisions qui, pourtant, les concernent. C'est ce que révèlent les nombreuses saisines reçues par l'institution ou encore les témoignages collectés en 2019 lors de la première consultation nationale où 2 200 enfants âgés de 4 à 17 ans s'étaient exprimés. Ce nouveau rapport s'attache particulièrement à ceux jugés « vulnérables », mentionnant les enfants les plus jeunes, malades, pris en charge par la protection de l'enfance, en détention, vivant en squats ou encore en situation de vulnérabilité économique ou de handicap. La parole de ces derniers est rarement sollicitée…
Pas associé aux décisions
« Le handicap d'un enfant est souvent utilisé comme un prétexte pour ne pas l'associer aux projets qui le concernent, conduisant à des prises de décision unilatérales qui l'affectent durablement dans sa confiance et son estime de soi », complète Claire Hédon. La DDD constate régulièrement ce défaut de prise en compte lors des procédures devant les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées), qu'il s'agisse d'identifier les besoins de l'enfant ou de lui apporter une réponse. L'article L.146-8 du Code de l'action sociale et des familles prévoit pourtant que, « dès lors qu'il est capable de discernement, l'enfant handicapé lui-même est entendu par l'équipe pluridisciplinaire ».
Formes d'expression multiples
Dans le cadre d'une enquête « Tous pareils mais… », menée en 2019 par APF France Handicap, de nombreuses familles confirment que leurs enfants souffrent de ne pas être consultés sur la nature des soins ou la fréquence et le moment des séances de rééducation qui les privent souvent de temps collectifs ou de certaines activités. Or il semble manifeste que « plus ils sont informés mieux ils acceptent un quotidien rythmé par ce type de contraintes », explique le rapport du DDD. Ces enfants regrettent par ailleurs de ne pas disposer d'informations suffisantes sur leur handicap, ni de lieux et d'outils permettant l'expression de leur opinion. Pour ceux qui peinent à oraliser, il existe pourtant des méthodes de communication adaptées tels que le classeur texte, les pictogrammes, les tableaux de choix… Or ces ajustements ne sont pas toujours mis en place.
Les saisines reçues témoignent par ailleurs des difficultés de familles sourdes ou malentendantes à communiquer avec les services de la protection de l'enfance, faute de personnels formés. A défaut d'interprète en langue des signes, ces services chargés d'évaluer les besoins d'un enfant porteur d'un handicap auditif se tournent le plus souvent vers un autre membre de la famille pour assurer la traduction, avec le risque d'entraver la parole de l'enfant.
17 recommandations
Face à ces multiples constats, pour que la parole de l'enfant ne soit pas seulement « décorative », le Défenseur des droits émet 17 recommandations. Quelques exemples ? Le développement des compétences oratoires des plus jeunes, le respect des choix d'orientation scolaire, une écoute attentive face au risque de harcèlement. Mais aussi la consultation des enfants dans le cadre de l'examen des projets et propositions de loi, une campagne d'information grand public sur cette question ou encore la formation des professionnels qui les entourent. Enfin, il propose que toutes les structures qui accueillent ou prennent en charge des enfants se dotent d'une charte éthique de protection. « Le droit à la participation de l'enfant, devant l'ampleur des dommages causés par son défaut, ne saurait donc être considéré comme un luxe ou un surplus », réaffirme Claire Hédon.