« Vous devez vous dire : être mécanicien quand on est malvoyant ça ne doit pas être évident », admet Damien, atteint d'albinisme oculo-cutané depuis la naissance. Pour continuer d'exercer, le jeune homme a eu recours au système D et à une bonne dose d'adaptation. Contraint de travailler sous les voitures, un endroit relativement sombre, Damien s'est fabriqué « une loupe avec un bras articulé et des matériaux plus résistants qui puissent être mobiles à 360° avec une prise de courant pour l'éclairage ». Artisanal mais efficace ! Comme lui, de nombreuses personnes déficientes visuelles rencontrent des difficultés dans la sphère professionnelle. Ainsi, Homère : la plus grande étude sur la déficience visuelle révélait en février 2023 que deux d'entre elles sur cinq, seulement, ont un travail. Un chiffre nettement inférieur à la population handicapée dans son ensemble, et encore plus à la population générale en France.
Des stéréotypes persistants
L'Observatoire de l'emploi et du handicap de l'Agefiph (fonds pour l'emploi des personnes handicapées dans le privé) s'est penché sur ce sujet dans une publication de juillet 2023. Premier constat : 66 % des sondés pensent que leur handicap limite fortement le nombre de postes pouvant être occupés et 27 % considèrent qu'ils sont victimes de discrimination en raison de leur déficience visuelle. Résultat, un quart des répondants n'en ont pas parlé au sein de leur entreprise, « les privant de dispositifs de soutien ou d'adaptation de postes existants », souligne l'Agefiph. Parmi les principaux obstacles observés, les stéréotypes. « Le handicap visuel est perçu par les recruteurs comme le handicap le plus difficile à intégrer dans une entreprise », apprend-on dans le document. Autres freins : le manque d'accès et d'adaptation du lieu de travail aux besoins concrets des malvoyants et, enfin, la fracture numérique, encore très prégnante. A ce sujet, l'information en ligne est jugée à 50 % inaccessible ou présente des défauts d'accessibilité.
L'innovation : la clé vers l'emploi
« L'expérimentation, l'innovation et la recherche constituent une voie prometteuse pour accélérer l'ouverture du monde du travail aux personnes déficientes visuelles et leur épanouissement dans l'emploi », estime Christophe Roth, président de l'Agefiph, en réponse aux difficultés soulevées. Le numérique constitue, en effet, l'une des promesses pour améliorer leur accès à l'emploi. D'ailleurs, 88 % des déficients visuels se disent connectés (via un ordinateur ou un téléphone portable), selon l'association Valentin Haüy. Ces nouvelles technologies facilitent leur quotidien et permettent un gain en autonomie. Le braille, sésame pour accéder à la culture et à l'emploi, peut être utilisé via des ordinateurs dédiés. Le numérique permet également de convertir des documents en fichiers audio lus par synthèse vocale ou en braille électronique.
Des solutions humaines et matérielles
L'Agefiph liste d'autres solutions humaines ou matérielles, par exemple les prestations d'appui spécifique (PAS). « Elles visent à apporter à la personne et à l'employeur un appui expert dans le cadre de la définition d'un projet professionnel, de l'intégration en emploi ou en formation », détaille l'Agefiph. Le Club emploi de l'association apiDV (Accompagner, promouvoir et intégrer les déficients visuels), avec ses binômes de professionnels voyant/non-voyant, est une autre piste à explorer. Sans oublier la possibilité d'avoir recours au prêt de matériels et d'aides techniques permis par l'Agefiph et le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (Fiphfp). Enfin, la « Ressource handicap formation » de l'Agefiph peut intervenir sur le volet « besoins de compensation ».