Mark Ruffalo, Glenn Close, Eva Longoria, Edward Norton… Comme une cinquantaine d'autres acteurs, ces grands noms du cinéma américain appellent Hollywood à embaucher des acteurs et actrices en situation de handicap. En effet, rares sont les rôles « handicap» interprétés par des comédiens eux-mêmes concernés. Ce thème fait pourtant recette au cinéma, inspirant une quantité impressionnante de scénarios : Avant toi, The sessions, Gilbert Grape, My left foot, Sam je suis Sam, Une merveilleuse histoire du temps, Rain Man… Mais ces rôles sont presque exclusivement incarnés par des acteurs valides. Ils s'appellent Léonardo Di Caprio, Eddie Redmayne, Dustin Hoffman, Sean Penn… Plus récemment, c'est Bryan Cranston, qui a été épinglé pour avoir accepté de tourner dans The Upside, le remake d'Intouchables sans être lui-même tétraplégique.
Deux Oscar seulement
Cette lettre ouverte, qui s'adresse à la fois aux studios, aux producteurs et dirigeants de chaînes, a été lancée par la Ruderman Family Foundation, qui milite pour l'inclusion des personnes handicapées dans la société américaine. « Parmi les 61 personnages avec un handicap nommés aux Oscar, dont 27 gagnants, seuls deux étaient vraiment joués par une personne avec un handicap », affirme-t-elle. Selon une étude qu'elle a menée, 95 % des protagonistes handicapés des séries TV sont joués par des personnes valides. La Fondation déplore que les « opportunités pour les acteurs et actrices non-valides sont quasiment inexistantes ».
Des carrières prestigieuses
Certains acteurs en situation de handicap sont pourtant parvenus à se faire un nom. On pense en premier lieu à Marlee Matlin, la première actrice sourde à recevoir un Oscar, en 1987, ou encore à Ali Stroker, une actrice de Broadway en fauteuil roulant. Plus récemment, Millicent Simmonds, sourde elle aussi, crève l'écran dans deux blockbusters américains (article en lien ci-dessous) et devrait bientôt s'imposer dans la suite du film d'horreur Sans un bruit... toujours en silence ! Cette lettre ouverte réclame donc que « la plus grande minorité au monde », soit près de 21 % de la population, selon ses chiffres, soit prise compte dans les réflexions de l'industrie du divertissement sur la « diversité » ; elle l'incite à « embaucher des interprètes qualifiés avec des handicaps, améliorant ainsi leur visibilité et élargissant les pools de talents ».
Et en France ?
En France, cette polémique n'épargne ni le cinéma, ni le théâtre ni la télé. En 2014, le film La famille Bélier (lien ci-dessous), où tous les rôles de sourds, sauf un, sont incarnés par des acteurs entendants, avait lui aussi divisé la communauté des sourds. Un an plus tard, cette dernière proteste à nouveau contre l'adaptation des Enfants du silence à la Comédie-Française qui n'est jouée que par des acteurs entendants -il faut en effet être « sociétaire » pour monter sur la scène du prestigieux théâtre parisien-. Des critiques similaires avaient été adressées à François Cluzet pour son rôle phare dans Intouchables. Des acteurs en situation de handicap sont pourtant capables de faire un « carton » ; on pense à la prestation de Marie Dal Zotto, jeune femme trisomique, dans le téléfilm Mention particulière qui avait convaincu 6 millions de téléspectateurs, à Ariana Rivoire, sourde, qui joue un rôle de sourde-aveugle dans le film Marie Heurtin ou encore à Fabien Héraud (infirme moteur cérébral) dans De toutes nos forces aux côtés de Jacques Gamblin.
Invisibilité à la télé
Le Baromètre de la diversité dévoilé chaque année par le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) atteste en chiffre cette « invisibilité ». En 2019, seules 0,7 % des personnes vues à l'écran sont concernées par le handicap. Pourtant, une Charte pour l'insertion des personnes handicapées dans l'audiovisuel a été signée en 2014 mobilisant les chaînes de télé (article en lien ci-dessous). Sans qu'elle ne produise visiblement ses effets… Renouvelée le 3 décembre 2019 à l'occasion du Comité interministériel du handicap (CIH), devant Edouard Philippe en personne (article en lien ci-dessous), elle engage les dirigeants des principaux medias audiovisuels français à promouvoir plus de visibilité des personnes handicapées à l'antenne, notamment dans les fictions.
Un syndicat dédié
Face à ce constat, assez peu encourageant, le premier syndicat des professionnels du cinéma en situation de handicap (SPCH) a vu le jour en juin 2019 (article en lien ci-dessous). Son leitmotiv : personne ne doit être empêché d'accéder au 7ème art et à l'audiovisuel. « Les professionnels en situation de handicap sont rares et ont des difficultés accrues et spécifiques pour trouver du travail ou pour l'exercer, qu'ils soient comédiens, scénaristes, metteurs en scène…», regrette le réalisateur Julien Richard-Thomson, son président.