Par Pierre Botte
Différente de Lola Doillon, en salles le 11 juin 2025, explore l'autisme féminin, méconnu du grand public, à travers une histoire d'amour portée par Jehnny Beth, en documentaliste dont le quotidien bascule après un diagnostic tardif à 35 ans. « Mon but, ce n'était pas de traiter que de l'autisme mais d'une histoire d'amour », insiste la réalisatrice de 49 ans, qui signe une œuvre sensible, intime, portée par un sujet qu'elle ne connaissait pas.
«Je ne me sentais pas légitime»
« Je ne me sentais pas légitime », confie-t-elle à l'AFP. « Mais en découvrant cette forme d'autisme, en tant que femme... Pourquoi ne pas traiter d'une histoire d'amour d'une femme autiste ? » Pourtant, Différente ne cherche pas à expliquer, il donne à ressentir. Sons trop forts, silences pesants, regards décalés... La mise en scène épouse les sensations du personnage principal, Katia.
«Je ne connaissais rien à l'autisme»
« Il fallait que je trouve quelqu'un qui sache jouer, qui puisse porter ce personnage-là », explique Lola Doillon, également réalisatrice de Et toi, t'es sur qui ? (2007), Contre toi (2009) et Le voyage de Fanny (2016). « Je ne connaissais rien à l'autisme avant ce film », reconnaît Jehnny Beth, 39 ans. « J'ai tout appris en travaillant sur ce rôle. »
Des portraits loin des clichés
Pour rendre ce trouble invisible tangible, réalisatrice et actrice ont mené un long travail de documentation, nourri de lectures, de rencontres et d'un accompagnement permanent. Elles ont sollicité l'aide de femmes porteuses de troubles autistiques pour ne pas « tomber dans la caricature », raconte la réalisatrice. « Katia a son autisme, et ce n'est que le sien », rappelle d'ailleurs Lola Doillon.
La diversité des vécus autistiques
« Il y a autant d'autismes que d'autistes. C'était libérateur de savoir ça en tant que comédienne », ajoute Jehnny Beth, chanteuse du groupe Savages, vue récemment chez Jacques Audiard (Les Olympiades) ou Justine Triet (Anatomie d'une chute). « Je pouvais inventer ma forme à moi, la forme que prendrait l'autisme de Katia. »
Un couple hors des normes
Le film interroge aussi les normes de la vie de couple. « Je trouve que c'est important de se poser la question : comment on envisage le couple ? », poursuit Jehnny Beth. Elle forme à l'écran un duo contrasté avec Thibaut Evrard, dont la légèreté contrebalance l'hypersensibilité du personnage. « Katia est différente, forcément ça induit qu'il faut se poser des questions quant à sa relation de couple. Et je trouve que ça peut parler à plein de gens. »
La musique, fil conducteur sensoriel
La musique, enfin, prolonge cette exploration sensorielle. « Les personnes atteintes du spectre autistique ont des capteurs beaucoup plus forts », développe l'actrice, qui a proposé à Lola Doillon plusieurs titres de punk. Un clin d'œil à son propre univers : son nouvel album solo « You Heartbreaker, You » sortira le 29 août, avec un premier single, « Broken Rib », dévoilé mi-mai. « Je ne vois pas du tout le film comme une référence. Si ça peut être utilisé comme un outil, tant mieux », conclut Lola Doillon.
© Affiche du film