Couleur de peau, genre, orientation sexuelle, appartenance syndicale ou encore handicap. Ce sont les cinq motifs passés au crible dans le « Rapport 2023 sur les discriminations en France » (au prix de 12 euros en téléchargement ou en version imprimée), rendu public par l'Observatoire des inégalités le 28 novembre 2023. Le premier du genre en France ! Son credo : « Contre les discriminations, l'information est une arme ». Ce travail approfondi ne résulte pas d'un sondage mais de l'analyse des plus importants travaux de recherche menés sur ce thème.
Sans grande surprise
Sur une centaine de pages, dix (de 68 à 78) sont consacrées aux discriminations -parfois indirectes faute d'adaptation et de prise en compte-, obstacles et autres inégalités dont sont victimes les personnes en situation de handicap. Les constats s'alignent, sans grande surprise : plus de précarité monétaire, une insertion professionnelle plus difficile, des discriminations à l'embauche lors d'un testing de recrutement, des métiers moins qualifiés, un accès aux vacances dégradé et plus de risque d'être victime de violence. Impossible de passer au crible tous les critères par manque d'information, comme un puzzle impossible à assembler.
Pas de chiffres sur le handicap
C'est en effet là que le bât blesse. Si chaque année, des rapports font état des discriminations liées au handicap en France, émanant du Défenseur des droits depuis sa création en 2008 (Lire : 2022 : le handicap en tête des discriminations depuis 6 ans) ou d'associations dédiées, le rapport déplore qu'aucun organisme public ne réalise un état des lieux global. Il a fallu quatorze ans après son enquête de 2008 pour que l'Insee mène, en 2022, une nouvelle étude dite « autonomie », dont nous connaîtrons les résultats dans les années à venir. « Cette situation, connue de longue date, n'est pas acceptable », selon les auteurs du rapport, par ailleurs dénoncée par le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU depuis au moins 2017.
Les visages de l'inégalité
Et si l'on entre dans le détail ? Le taux de pauvreté des personnes handicapées atteint presque 20 %, un niveau très supérieur à celui des personnes valides (12,8 %) ; au total, près de 840 000 d'entre elles sont « pauvres ». Près de 40 % ne partent pas en vacances pendant au moins une semaine faute de moyens, deux fois plus que les personnes valides ; des raisons économiques mais également liées au « manque d'accès aux activités de loisirs et de détente », pourtant « essentielles au bien-être et à l'inclusion sociale », selon le rapport. Leur taux de chômage (12 %) est presque deux fois supérieur à la moyenne ; sur près de trois millions de personnes de 15 à 64 ans reconnues handicapées, seules 44 % sont en emploi (75 % dans la population générale). Il déplore également que la fonction publique ne soit pas « exemplaire », peinant à atteindre le taux légal de travailleurs handicapés de 6 % (5,4 % pour le moment). Enfin, il observe que les personnes handicapées sont plus souvent victimes de violences, les femmes étant particulièrement concernées.
C'est aussi la double, voire la triple peine, lorsque les discriminations se cumulent, créant des situations de vulnérabilité renforcée : on peut être handicapé et femme ou issu des minorités ethniques, LGBT… Cette intersectionnalité révèle la complexité des luttes à mener pour ce public.
Accéder à la connaissance
« Ne soyons pas naïfs : une partie des discours sur la nécessaire inclusion des femmes ou des personnes handicapées, par exemple, ont pour fonction de masquer la profonde fracture sociale », expliquent les auteurs qui dénoncent « des discours sur la diversité pour faire diversion », des « sorts méprisés » face à la propagande publique sur la parité. A l'heure où les fakes, l'obscurantisme et les discours haineux submergent l'info, ils entendent « publier des faits vérifiables, sans ouvrir de débat, sans prise de position ». Ce rapport a vocation « à devenir une référence pour sensibiliser et débattre », rappelant que « des centaines de milliers de personnes sont à l'œuvre tous les jours dans de très nombreuses associations pour défendre l'égalité dans tous les domaines ». Il entend, in fine, permettre de « conduire les politiques d'égalité effective, reconnaître les préjudices, réparer les atteintes aux droits, redonner la voix à celles et ceux qui subissent les discriminations et qui sont niés dans leur expérience ». Et, surtout, permettre à tous d'accéder à la « connaissance ».