Anémie sévère, crises douloureuses, sensibilité accrue aux infections… La drépanocytose affecte le quotidien de plus de 4 millions de personnes dans le monde. Avec une naissance sur 1 900, c'est la maladie génétique la plus fréquente en France. Elle est causée par une mutation dans le gène de la globine-β qui entraîne une altération de l'hémoglobine, chargée du transport d'oxygène dans les globules rouges. Les avancées thérapeutiques sont parvenues à améliorer les conditions de vie des patients et à augmenter leur espérance de vie mais les chercheurs poursuivent leurs efforts pour mettre au point un traitement curatif qui pourrait être proposé plus largement. Et si c'était le Crispr-Cas9 ? Une équipe de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) dévoile les bénéfices de cette thérapie génique « prometteuse », à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre la drépanocytose, le 19 juin 2020.
Activer un gène de remplacement
En dehors de la greffe de moelle osseuse, quelques patients ont été traités par thérapie génique mais le transport d'un gène fonctionnel de globine-β dans les cellules cibles est compliqué par des difficultés de production du vecteur. L'équipe d'Annarita Miccio de l'hôpital universitaire Necker-enfants malades AP-HP, l'université de Paris et l'Institut Imagine propose d'utiliser la technologie Crispr-Cas9 pour contourner ces difficultés. Au lieu de remplacer le gène de la globine-β défectueux, il s'agit d'aller activer un gène de remplacement qui se trouve déjà sur place, celui de la globine-γ produite au moment du développement fœtal. Les chercheurs se sont inspirés de l'existence de personnes porteuses de la mutation à l'origine de la drépanocytose mais ne développant pas la maladie car, dans leur cas, la globine-γ continuait à être produite suite à une seconde mutation génétique qui annulait l'effet de la première.
Des ciseaux génétiques
« Cette globine-γ compense chez ces adultes le défaut en globine-β, explique Annarita Miccio. Sa réactivation chez les patients drépanocytaires permettrait de remplacer la globine-β mutée par la globine-γ. » Le blocage de l'expression de la globine-γ à l'âge adulte est provoqué par la modification d'une seule lettre de la chaîne d'ADN dans le gène contenant les informations nécessaires à sa production. Or la suppression de cette modification, à l'aide des « ciseaux génétiques » Crispr-Cas9, permettrait de réactiver la synthèse de globine-γ et de corriger le phénotype drépanocytaire dans les cellules, comme l'illustre la vidéo ci-dessus.
Résultats encourageants
Selon l'institut Imagine, les chercheurs ont déjà obtenu « des résultats encourageants » in vitro, en culture cellulaire, avec une restauration de la production de globine-γ à « des taux suffisants » pour être envisagés à l'avenir en protocole thérapeutique. Prochaine étape : les essais précliniques avant d'envisager les essais cliniques. En parallèle, la chercheuse attend les conclusions des premiers essais en cours avec les technologies Crispr-Cas9 afin de s'assurer qu'elles ne sont pas nocives.
Annarita Miccio est lauréate d'un des prestigieux financements « ERC consolidator Grant » du conseil Européen de la recherche, qui lui permet pendant cinq ans de bénéficier d'un budget de 2 millions d'euros pour renforcer son équipe et avancer plus rapidement sur ses projets de recherche.