28 avril 2020. Edouard Philippe prend la parole devant l'Assemblée nationale. 1h01 pour expliquer aux Français comment leur vie va reprendre. Le hic : contrairement aux allocutions officielles du Président Macron, le discours du Premier ministre n'est pas traduit simultanément en langue des signes française (LSF)... sauf sur une chaîne, Public Sénat ! Selon le site programme-tv.net, ce « dispositif n'a tout simplement pas été mis en place par l'Assemblée nationale », à l'inverse des mesures prises par l'Elysée depuis le début de cette crise sanitaire. Oups ?
Le handicap oublié
Le Premier ministre expose sa stratégie nationale de sortie du confinement. Ou pas ! Tous les départements ne seront peut-être pas logés à la même enseigne puisque « la circulation du virus n'est pas uniforme dans notre pays » et « il faut pouvoir adapter la stratégie nationale en fonction des départements ». Et tous les publics non plus... Quid des personnes en situation de handicap ? Elles n'ont jamais été précisément nommées. « Avec le plan, j'ai ressenti comme tous les parents d'enfants handicapés que je n'étais vraiment personne, regrette Didier sur Twitter. Pas un mot pour nos enfants ? Un oubli ? » « Très en colère, un discours où 10 % de la population est oubliée », renchérit Autisme66. Sophie Cluzel a pourtant salué, dans un tweet, « un discours inclusif ». La secrétaire d'Etat en charge du Handicap promet qu'elles « reprendront comme les autres progressivement une vie normale ». Elle assure travailler avec les associations sur les mesures d'accompagnement nécessaires, qu'elle doit présenter « prochainement ».
Quid des plus fragiles ?
Edouard Philippe a néanmoins exhorté les « personnes les plus âgées, les plus fragiles » à faire preuve de patience et à « prendre des précautions ». Mais qui sont-elles ? Handicap ne rime pas forcément avec vulnérabilité. Edouard Philippe s'aligne sur la position du conseil scientifique Covid-19 qui a formulé ses recommandations le 20 avril ; sont mentionnés, en premier lieu, l'âge (plus de 65 ans) mais aussi les pathologies chroniques à risque telles que l'hypertension artérielle, le diabète, une maladie coronarienne, les pathologies respiratoires ou un cancer en cours de traitement et les affections longue durée, les personnes obèses avec un IMC (indice de masse corporelle) supérieur à 30, ainsi que les 160 000 personnes handicapées vivant dans des structures d'hébergement collectif. Dans ce contexte, l'Unapei (association de personnes avec un handicap mental) demande aux pouvoirs publics d'élaborer une doctrine de déconfinement précisant la liste des pathologies les plus à risque.
Dans les établissements
Si la « poursuite d'un confinement aménagé » est prônée dans les Ehpad, le Conseil suggère aux personnes résidant dans des structures d'hébergement de « respecter un confinement strict et volontaire ». Et précise : « A la différence du confinement obligatoire, le volontaire ne vise pas à freiner l'épidémie ; il permet aux personnes de se protéger sur la base d'un choix éclairé personnel ». C'est précisément le credo de l''Unapei : « Chaque personne doit pouvoir choisir librement la façon dont elle veut vivre sa sortie du confinement : maintien au domicile, retour en établissement médico-social... Cela impose qu'elle puisse bénéficier d'informations accessibles, objectives et certifiées lui permettant un avis éclairé. » Quelle garantie d'avoir tout le matériel de protection, interroge-t-elle, d'autant qu'il a, jusqu'à maintenant, manqué cruellement dans le secteur médico-social.
Par ailleurs, selon le Conseil, la « stratégie de diagnostic des cas et des contacts devra être appliquée strictement. Dès le diagnostic d'une personne contaminée, elle doit être isolée dans une structure ad hoc jusqu'à sa guérison. Dans ce cas, toutes les personnes de la structure doivent être diagnostiquées par un test RT-PCR (analysant les sécrétions nasopharyngées), y compris les soignants et le personnel administratif. »
Cri d'alerte des AESH
Edouard Philippe confirme, par ailleurs, la réouverture des écoles le 11 mai et celle des collèges (pour les élèves de 5e et de 6e) le 18 mais peut-être pas de manière uniforme sur tout le territoire et sur la base du volontariat. Dans ce contexte, un collectif d'AESH (accompagnants d'enfants en situation de handicap) lance un cri d'alerte au motif qu'il leur sera impossible de respecter la distanciation sociale. « Nous sommes à côté des élèves, ils nous crachent dessus, nous devons parfois les prendre dans nos bras, les porter, les moucher, se saisir de leurs mains, de leurs outils, les emmener aux toilettes, les habiller, les déshabiller…, explique l'un d'entre eux, Hélène Elouard. Et nous aurons juste des masques grand public face à des élèves de primaire ou maternelle qui n'en n'auront pas. » Face aux risques, ce collectif réclame le report de la rentrée en septembre. De son côté, l'Unapei demande que les élèves en situation de handicap bénéficient, quel que soit leur lieu de scolarisation, d'une « continuité pédagogique et d'une protection sanitaire adaptée ». Pour elle, ce discours laisse les personnes handicapées « dans le flou ».
Des questions en suspens
A moins de deux semaines de la date fatidique (provisoire ?) du 11 mai, de nombreuses questions restent en effet en suspens. « Le pays ne peut pas être confiné durablement, explique le chef du gouvernement. Un confinement prolongé pourrait avoir des conséquences gravissimes » en prenant le risque d'un « écroulement de l'économie ». Il poursuit : « En l'absence de traitement et de vaccin, nous allons devoir vivre avec le virus. Ce n'est pas réjouissant mais c'est un fait ». A partir du 11 mai, « la mise en œuvre de notre stratégie reposera sur le triptyque : protéger, tester, isoler », annonce-t-il. Edouard Philippe promet qu'il « y aura prochainement assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins ». Il conclut d'un ton grave, appelant à la responsabilité collective : « Il faut que la chaîne virale soit remplacée par la chaîne de solidarité ». Et prévient : « En cas de relâchement, le 11 mai sera repoussé ».