« Même si le sujet de l'accessibilité des programmes télévisés a évolué, la qualité n'est pas toujours au rendez-vous », indique Carole Bienaimé-Besse, membre du collège de l'Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex CSA), chargée des questions de « cohésion sociale ». Depuis l'adoption en 2015 de la charte de qualité pour l'usage de la Langue des signes française (LSF) dans les programmes télévisés, de plus en plus de chaînes ont effectivement rendu leurs émissions compréhensibles pour les personnes sourdes et malentendantes. Les enjeux d'actualité liés à la pandémie de Covid-19 ont également permis de renforcer ces dispositifs, pour le meilleur mais parfois aussi pour le pire… Des exemples récents : un discours de Valérie Pécresse (LR) où l'image de l'interprète, minuscule, disparaît derrière un bandeau sur CNews, un meeting de Fabien Roussel (PCF) où l'interprète est vêtue de noir sur fond noir, ou une allocution solennelle du président Macron où la personne qui « signe » est filmée dans un cadre trop étroit.
Un guide de mise en image de la LSF
Le 17 mars 2022, à moins d'un mois du premier tour de l'élection présidentielle, l'Arcom a donc rédigé, avec l'appui du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) un guide très pratique de mise en image de la LSF à destination des différents acteurs de la communication audiovisuelle et numérique (en lien ci-dessous). L'objectif, en une quinzaine de pages : « Apporter une simple équité entre les compatriotes pour l'accès à l'information de campagne », indique Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom. Cette brochure reprend les principales préconisations de la charte de 2015 : recourir à plusieurs interprètes afin de signer des échanges complexes (par exemple lors de débats), s'assurer de la bonne visibilité de l'interprète (il doit occuper un tiers de l'écran), privilégier au minimum les « plans américains » qui laissent apparaître son buste entier.
Nouvelles recommandations
Elles sont aujourd'hui complétées de nouvelles recommandations à destination des réalisateurs des émissions. Ils sont par exemple invités à placer un fond opaque (et non pas transparent) pour une meilleure visibilité de l'interprète qui doit être placé « sur le même plan que le locuteur ». Ces consignes ont vocation à s'appliquer aux clips de campagne officiels des douze candidats, qui seront diffusés par les chaînes publiques à partir du 28 mars, et qui, pour la première fois en 2022, devront être impérativement traduits en LSF, en plus du sous-titrage. Pour les personnes malvoyantes, ces clips seront audio-décrits lors de leur passage sur France 2. « C'est une demie-avancée », précise Jérémie Boroy, président du CNCPH (article en lien ci-dessous), qui regrette que « ce ne soit pas déployé sur toutes les chaînes ».
Plus largement, l'Arcom appelle à une considération de l'accessibilité des émissions dès leur réalisation. « Ça, c'est vraiment l'étape d'après, faire en sorte que les médias diffusent des contenus nativement accessibles », estime Jérémie Boroy, qui revient sur le premier débat télévisé opposant huit candidats à la présidentielle le 14 mars. « Plusieurs d'entre eux ont repris des extraits de leur prestation pour les publier sur les réseaux sociaux sans les rendre accessibles », détaille-t-il. S'ils avaient été traduits dès le départ, ce type d'oubli n'aurait pas eu lieu.
Une base d'experts
Enfin, la suite logique d'une meilleure accessibilité des programmes serait une meilleure représentativité des personnes handicapées dans le débat médiatique et politique (article en lien ci-dessous). Or, à ce sujet, le chemin semble encore très long. Seules 0,7% des personnes à l'antenne sont perçues comme étant en situation de handicap (article en lien ci-dessous). Pour remédier à cette quasi absence, l'Arcom a présenté un autre outil, bientôt disponible : une base de données numériques, la « base DPDV » (Différents points de vue - dpdv.info), regroupant les profils experts de personnes en situation de handicap, classés selon leurs domaines de recherche et de compétence. Cela permettra ainsi aux médias de diversifier leur carnet d'adresses d'experts récurrents pour débattre sur des sujets d'actualité précis. « L'idée n'est pas d'inviter des personnes handicapées pour leur faire parler de handicap mais plutôt sur des sujets variés de la vie quotidienne », indique Frédéric Cloteaux, directeur de la radio Vivre FM, à la tête du projet. « Cet outil est attendu par les médias depuis longtemps », affirme de son côté Sophie Cluzel, secrétaire d'État au Handicap, qui voit plus loin encore : « Après les médias, la prochaine étape sera d'améliorer l'éligibilité des personnes en situation de handicap ». La suite au prochain quinquennat ?