Par Bruno Kalouaz
"Je suis avant tout une personne passionnée par la physique, la cosmologie et la nature avant d'être une personne avec autisme", déclare à l'AFP Laura Domenech, étudiante en 3e année de licence de physique fondamentale à Toulouse, avant la journée mondiale de l'autisme le 2 avril 2019. Pour autant, elle aimerait que sa spécificité soit mieux prise en compte.
Des troubles méconnus
Sauf qu'"aujourd'hui peu de gens connaissent les troubles du spectre autistique (TSA) et la plupart ne font donc pas attention, ou ne prennent pas au sérieux, les besoins particuliers des étudiants ayant un TSA", continue-t-elle. Alors qu'environ 1% de la population française, soit près de 700 000 personnes, serait porteuse du syndrome autistique, il existe une "carence" au niveau de la formation et de l'insertion professionnelle des jeunes autistes, comme le souligne un rapport de la Cour des Comptes paru en 2018. "Au moins 15% des autistes ne présentent aucune déficience mentale", explique Danièle Langloys, présidente d'Autisme France.
Des parcours "aspie friendly"
Mais leurs troubles, notamment au niveau de la socialisation ou de l'hypersensibilité sensorielle, nécessitent un environnement adapté à leurs besoins. "J'ai de l'hyperacousie : je supporte particulièrement mal les situations bruyantes comme les classes de cours ou amphithéâtres. Cela m'empêche de me concentrer et surtout me fatigue beaucoup, ce qui n'est pas compatible avec nos horaires chargés", raconte Laura Domenech. A Toulouse comme dans d'autres universités françaises, des parcours "aspie friendly", adaptés aux étudiants portant le syndrome d'Asperger ont vu le jour, un programme financé par l'Etat dans le cadre du programme d'investissements d'avenir. "Nous essayons de nous adapter complètement à l'étudiant", résume Cédric Haurou-Bejottes, responsable du projet pour une université inclusive à Toulouse III - Paul Sabatier.
Une employabilité en progrès
Des "parcours personnalisés sont proposés pour permettre par exemple aux étudiants de première année de choisir des cours de licence II ou III", détaille-t-il. Il sera bientôt possible de "suivre certains cours à distance", ce qui permettrait à plusieurs étudiants porteurs de TSA de les "décharger de certaines de leurs difficultés", espère Laura Domenech. Après l'université, le marché du travail représente une difficulté supplémentaire pour les autistes faute d'encadrement, alors même que certains d'entre eux peuvent posséder des qualités recherchées : rigueur, sens de l'analyse, du détail... Mais là aussi leur employabilité progresse peu à peu grâce à différentes associations mettant en relation les autistes et des entreprises.
1 million d'emplois en 2030
Parmi elles, "Specialisterne", fondée par le Danois Thorkil Sonne en 2004 et active dans douze pays. "Si une entreprise souhaite recruter une personne autiste, elle nous contacte et nous recherchons si quelqu'un peut correspondre au poste demandé", explique-t-il à l'AFP. La personne pré-sélectionnée est amenée à effectuer un stage de quatre semaines au sein de Specialisterne pour l'"aider à s'adapter au monde de l'entreprise" et à "travailler en équipe", précise celui dont la structure a permis à plus de 1 000 personnes autistes d'être embauchées. "Nous avons énormément d'exemples d'autistes ayant parfaitement réussi dans de grandes entreprises, comme Microsoft, Ernst & Young, mais aussi dans l'agriculture", se félicite-t-il. Mais il voit plus grand : "à l'horizon 2030, nous avons fixé l'objectif de trouver un emploi à un million d'autistes".
L'entreprise informatique française Avencode, qui emploie dix-sept personnes autistes, permet quant à elle à celles de haut niveau de mieux appréhender les "spécificités du milieu du travail, notamment les interactions sociales, pour ensuite travailler dans un milieu 'ordinaire'", explique son fondateur Laurent Delannoy. Nous voulons "être un tremplin".