344 millions d'euros sur 5 ans, le prix à payer pour rattraper le retard de la France en matière de prise en charge de l'autisme ? Après une concertation de près d'un an, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, fait un point d'étape, le 1er avril 2019, sur les cinq engagements majeurs de la stratégie pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement 2018-2022. La question est également à l'ordre du jour du Conseil des ministres de ce lundi matin, à la veille de la journée mondiale de l'autisme. Cette stratégie gouvernementale a donné lieu à un « important travail souterrain ces derniers mois, qui ne montre pas de résultats très concrets mais qui était nécessaire », a indiqué Claire Compagnon, déléguée interministérielle pour l'autisme.
Booster la recherche
La priorité majeure n'est pas une surprise : améliorer la recherche. Sophie Cluzel l'avait déjà annoncé à plusieurs reprises, et notamment lors de la réunion des ministres européens en charge du handicap, le 14 mars (article en lien ci-dessous). Le but : « accélérer nos connaissances, les diffuser plus rapidement afin d'en finir avec les idées reçues, les préjugés, et parfois les mauvaises pratiques professionnelles », explique-t-elle dans un communiqué. Pour ce faire, dix postes de chefs de clinique en pédopsychiatrie ont été créés en octobre 2018. « Leurs projets de recherche vont permettre de progresser dans la connaissance des causes de l'autisme, l'identification de biomarqueurs ou le développement de technologies et de modes d'accompagnement destinés à soutenir l'autonomie des personnes et à améliorer leur qualité de vie », précise le communiqué. Par ailleurs, trois centres d'excellence devraient être labellisés le 15 juin 2019. Ils allient recherche, pratiques cliniques innovantes et transfert des connaissances. Enfin, un groupement d'intérêt scientifique dédié sera constitué d'ici à juin 2019.
Intervenir précocement
Le diagnostic et la prise en charge précoce des enfants qui présentent un signe évocateur d'un trouble du neuro-développement est également une problématique centrale. Le forfait « Intervention précoce », initié dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, prévoit un parcours coordonné de soins pour les enfants de moins de 7 ans (article en lien ci-dessous). Ainsi, les bilans diagnostics et les interventions immédiates des ergothérapeutes et psychomotriciens seront considérés comme des « besoins ». Le gouvernement a prévu un forfait de 1 500 €, comprenant un premier bilan (140 €) puis la prise en charge, sur douze mois, d'environ 35 séances. Pour le bilan complet d'un psychologue, le forfait s'élève à 300 euros. « Ce forfait d'intervention précoce garantit un reste à charge zéro pour les familles, sans attendre les prises en charge de droit commun sur prescription des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) », affirme le communiqué. Qu'en est-il des enfants plus âgés ?
D'autre part, trente plateformes d'intervention précoce devraient être installées d'ici fin 2019, avec l'appui des agences régionales de santé. Ces plateformes seront également mobilisées, en lien avec les centres de ressources autisme, pour organiser la formation au repérage des professionnels dits de « première ligne » (généralistes, pédiatres, médecins de PMI, médecins scolaire…). Ces derniers pourront alors s'appuyer sur un outil d'aide au repérage de signaux d'alerte, conçu selon le niveau de développement attendu de l'enfant, de 0 à 6 ans. Concrètement, la consultation longue pour dépister l'autisme à un âge précoce est mise en oeuvre depuis le 11 février avec un tarif de 60 euros (article en lien ci-dessous).
Scolariser au mieux
Pour répondre aux besoins éducatifs particuliers des élèves présentant un trouble autistique, la stratégie prévoit de tripler le nombre d'unités d'enseignement en maternelle autisme (UEMA), avec la création de 180 nouvelles unités, (30 à la rentrée prochaine), en plus des 112 déjà existantes. Une offre de scolarisation renforcée en école élémentaire est également prévue. « Six unités élémentaires sont désormais ouvertes depuis plusieurs mois à Albi, Amiens, Dieppe, Sainte-Geneviève-des-Bois, Toulouse et Vaulx-en-Velin. Dix autres ouvriront à la rentrée 2019 », assure le gouvernement. En parallèle, cinquante professeurs ressources, spécifiquement formés aux besoins éducatifs particuliers des élèves autistes, seraient en cours de recrutement et devraient prendre leurs fonctions en septembre (et 50 supplémentaires en 2020), dans les départements où les besoins sont les plus élevés.
Soutenir les adultes
Mais les majeurs ne sont pas en reste… « L'élaboration d'une méthode de repérage des adultes autistes dans les établissements de santé mentale ou médico-sociaux est amorcée et constitue une priorité pour 2019 », déclare le gouvernement. L'objectif : mettre fin aux hospitalisations inadéquates et améliorer la pertinence des accompagnements. En parallèle, la sécurisation des parcours des adultes autistes en milieu ordinaire sera « renforcée », particulièrement pour l'accès au logement et à l'emploi. « En matière de logement, d'abord, la loi Elan votée en novembre 2018 permet de disposer d'une palette d'offres plus étendue, avec l'autorisation très large de la colocation dans le parc de logement social et la reconnaissance de l'habitat inclusif. Son développement va être soutenu par un forfait dédié, financé par la CNSA qui mobilise à cette fin 2 millions d'euros en 2019 (6 millions d'euros d'ici 2021) », annonce-t-il. Quant au financement du dispositif d'emploi accompagné, comme prévu, il devrait être doublé d'ici à 2020. En 2019, il représente une enveloppe de 5 millions d'euros.
Accompagner les aidants
Enfin, plus de trois millions d'euros seraient d'ores et déjà consacrés à des programmes de formation des aidants. Des dispositifs de soutien pour les personnes autistes seraient également en cours d'installation avec la création, dès 2019, de groupements d'entraide mutuelle dans les départements (GEM).
« La mise en œuvre de cette stratégie nationale illustre notre ambition de construire une société inclusive, plus solidaire pour l'ensemble des personnes en situation de handicap et leurs familles. Beaucoup reste encore à faire pour que ces avancées soient tangibles pour le plus grand nombre », reconnaît Sophie Cluzel. Une enquête indépendante devrait prochainement être réalisée pour évaluer la « satisfaction » des personnes concernées.