Une personne sur dix fera au moins une crise d'épilepsie au cours de sa vie. C'est ce qui ressort du Livre blanc de l'épilepsie publié le 25 novembre 2022 par l'association Epilepsie-France. L'objectif de ce manifeste ? Dresser un état des lieux de la prise en charge globale de l'épilepsie, deuxième maladie neurologique chronique la plus fréquente. En 2021, déjà, l'association publiait un plaidoyer pour rendre visible le quotidien des 650 000 Français épileptiques, « exaspérés de se sentir aussi invisibles que leur maladie » (article en lien ci-dessous). Cette année, Epilepsie-France souhaite « porter haut la voix des patients et des aidants » et « déclencher l'action publique ». Six thématiques-clés sont abordées dans ce document de 80 pages : le diagnostic, le parcours de soin, la scolarité, l'emploi, la mobilité et les activités physiques et loisirs.
L'errance médicale
« Je ne compte plus les regards désespérés des neurologues ou des médecins à la lecture de mon dossier tant mon épilepsie leur semblait compliquée ». Comme Anna-Louise, de nombreux patients avec épilepsie comparent leur parcours de soin à un parcours du combattant, de la première crise à la pose d'un diagnostic, en passant par la mise en place d'un protocole thérapeutique. A neuf ans, Maxime développe les premiers signes mais devra attendre un an de plus avant de voir poser le terme « épilepsie » par les médecins. « Quand j'évoque la question de la quantité de médicaments qu'il doit prendre, le neurologue nous dit qu'il faudra envisager d'en supprimer, mais lesquels ? On n'a pas la réponse... », s'agace sa mère, en colère face « au manque de compréhension et de prise d'initiative du corps médical ». Certains malades sont même parfois envoyés, à tort, en psychiatrie. Cette errance diagnostic « fréquente », selon Epilepsie-France, peut avoir de graves conséquences comme l'aggravation de la maladie avec la prise d'un traitement antidépresseur, la mise en danger par ignorance des risques associés (accidents de la circulation, du travail, accidents domestiques...) ou encore la perte de chance quant à une guérison/stabilisation de la maladie.
L'épilepsie : parent pauvre de la neurologie ?
Une fois le diagnostic posé, le manque de personnel qualifié ou de créneaux disponibles en neurologie retardent un peu plus la prise en charge. « On estime qu'environ un quart des diagnostics de 'malaises avec perte de conscience' établis aux urgences sont erronés », explique Epilepsie-France. D'autant que le nombre de neurologues (2 318 en 2016) est faible comparé au nombre de personnes atteintes (650 000). « L'épilepsie reste le parent pauvre de la neurologie », indique le professeur Fabrice Bartolomei. Aussi, les comorbidités de l'épilepsie sont « insuffisamment considérées », notamment la forte incidence de troubles anxieux et dépressifs, des troubles invalidants qui détériorent la qualité de vie. Pour en mesurer l'impact, la prescription d'un bilan neuropsychologique est fortement recommandée. Epilepsie-France alerte sur l'importance du dépistage précoce, notamment chez l'enfant. L'association milite également pour la mise en place d'un parcours de soin « cohérent, rapide et transparent », avec une formation initiale des médecins sur cette pathologie.
Une maladie invisibilisée
En dehors de la sphère médicale, l'épilepsie demeure encore invisibilisée ou stigmatisée. « 400 ans avant Jésus-Christ, Hippocrate indiquait dans 'La maladie sacrée' que l'épilepsie est une pathologie stigmatisée et génératrice de honte pour ceux qui en souffrent, et que seuls les charlatans font leurs profits de cette mise au ban. 2 400 ans plus tard, nous en sommes toujours là ! », illustre Epilepsie-France. D'abord, la scolarité s'en trouve compliquée. 30 à 60 % des enfants présentent des troubles des apprentissages. « C'est ainsi que ma fille a traversé sa scolarité, jalonnée de crises et d'hospitalisations, entre la bienveillance de certains enseignants et l'incompréhension des autres », raconte Frédéric. Des difficultés qui se reportent sur le marché de l'emploi. Plus exposés à la fatigabilité ou à l'absentéisme, les actifs épileptiques sont deux fois plus touchés par le chômage que la population générale. « Quand je parlais de mon épilepsie au cours des entretiens, ça ne posait pas de problème. Mais quand les crises sont arrivées à cause du stress et de la fatigue, les comportements ont changé. C'est allé de la culpabilisation jusqu'à la discrimination et la mise à l'écart et même jusqu'aux insultes… », révèle Sébastien.
Attitudes de stigmatisation
« Le manque d'information et de sensibilisation sur la maladie joue un rôle négatif important, renforçant les préjugés et amenant à des attitudes de rejet et de stigmatisation », affirme Epilepsie-France qui rappelle que des solutions existent. Les consultations Epilepsie et Travail participent par exemple à l'insertion ou au maintien dans l'emploi et les consultations d'éducation thérapeutique du patient (EPT) permettent de mieux appréhender les conséquences des épilepsies au travail. Avec ce livre-blanc, ses signataires espèrent plus globalement « une stratégie nationale, nécessaire pour mobiliser l'attention, lever les obstacles sociaux et économiques, promouvoir les initiatives positives, garantir la qualité, la sécurité et la pertinence des prises en charge ».
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