Les championnes handisport, coqueluches des médias ?

Femmes, je vous aime ? Le Fur, Bochet, Martinet... Dans une indifférence globale pour le handisport, elles arrivent à capter l'intérêt des médias. Quel est le secret de ces championnes ? Performance, charisme, histoires bouleversantes...

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Ces filles-là brillent de tous leurs feux. Elles s'appellent Marie-Amélie Le Fur, Marie Bochet, Sandrine Martinet, Nantenin Keita, Assia El Hannouni, Élodie Lorandi... Des championnes qui permettent au handisport de se hisser au firmament médiatique. Contrairement aux sports féminins « valides », délaissés par les medias, ce sont plutôt les femmes qui, dans le handisport, font sensation. Un cas à part qui mérite une analyse approfondie. « Handisport féminin dans les medias » était donc le thème choisi pour l'une des tables-rondes du colloque « Osez femmes, sports et handicap ! » au sein du CREPS (Centre de ressources, d'expertise et de la performance sportive) Centre Val de Loire, à Bourges, le 18 mai 2017. Organisé à l'initiative du Pôle ressources national sports et handicaps (PRNSH), il accueillait, en grand témoin, la multi-médaillée Marie-Amélie Le Fur.

Une bonne et une mauvaise nouvelle

Il y a, dans ce domaine, une bonne et mauvaise nouvelle. La bonne : en France, le handisport féminin n'est pas spécialement discriminé dans les medias. La mauvaise : c'est le handisport tout entier qui l'est. Comment, dans ce constat amer, nos championnes arrivent-elles à tirer leur épingle du jeu ? En faisant des podiums ! Les résultats parlent d'eux-mêmes. Aux Jeux paralympiques de Londres en 2012, sur les 8 médailles d'or françaises, 6 sont glanées par des femmes. À Rio, quatre ans plus tard, sur 9 médailles en or, 4 sont remportées par des femmes ; un ratio insolent puisque la délégation française comptait seulement 42 femmes pour 84 hommes !

Des femmes en or massif

En 2014, selon un sondage du CPSF (Comité paralympique et sportif français), près de la moitié des Français connaissent au moins un athlète paralympique. La skieuse Marie Bochet, atteinte d'une atrophie congénitale du bras gauche, qui vient tout juste de décrocher 4 médailles aux Jeux de Sochi, arrive en tête, suivie de l'athlète Marie-Amélie Le Fur ; viennent ensuite, seulement, deux hommes : le skieur Vincent Gauthier-Manuel et l'athlète Arnaud Assoumani. Depuis, Marie-Amélie Le Fur, amputée d'une jambe, a poursuivi sa percée en raflant 3 autres médailles à Rio ; elle cumule à elle seule 8 médailles paralympiques et 4 titres mondiaux. Quant à Marie, elle est élue, après son sacre, « Athlète avec un handicap de l'année » par les prestigieux Laureus Sports Awards. À seulement 20 ans !

Le Fur aux manettes sur France TV

La Fédération française handisport confirme que ce sont les deux stars françaises les plus prisées par les medias. « Des icônes qui s'inscrivent dans la durée, confie Xavier Bachimont, chargé des relations avec la presse au sein de la FFH. Quelque part, il leur faut du « handicap » peu importe qu'il soit féminin ou masculin. » Conscient de ce potentiel, France Télévisions a d'ailleurs choisi Marie-Amélie Le Fur pour co-animer la couverture des championnats du monde d'athlétisme IPC qui se tiendront à Londres du 14 au 23 juillet 2017 (article en lien ci-dessous).

Sport féminin, le mal aimé

Pour bien comprendre cette « particularité », il convient de faire le parallèle avec le sport féminin chez les valides. Le constat est sans appel puisque sa présence dans les médias est réduite à peau de chagrin. 148 heures diffusées à la télévision sur un trimestre soit 7% du volume global des retransmissions sportives ; 7 heures de ces 148 heures étaient en accès gratuit, soit à peine 5% de l'offre de retransmission des compétitions féminines ! En France, l'Union des journalistes de sport en France (UJSF) compte environ 10 % de femmes. Un pourcentage stable depuis 2008. Dans ce paysage manifestement misogyne, le handisport féminin n'a donc pas à rougir de sa « relative » visibilité.

Des histoires bouleversantes

Comment, dès lors, expliquer cet intérêt pour les handisportives ? Trois pistes : les performances, donc, certaines valeurs incarnées par le handisport mais également l'intensité des parcours de vie. Certes, les femmes n'ont pas le monopole des histoires bouleversantes mais cette combinaison féminité et résilience force, peut-être davantage que pour les hommes, le respect. Le destin de certaines grandes figures internationales suffit à convaincre. Tout d'abord celui de la Belge Marieke Vervoort, championne olympique sur le 100 m fauteuil à Londres en 2012 qui déclare dans la presse en 2016, juste avant les Jeux de Rio, avoir fait des démarches pour recourir à l'euthanasie, sans en fixer l'échéance. Atteinte d'une maladie rare qui lui paralyse les jambes, elle remporte la médaille d'argent au 400 m en fauteuil à Rio.

Avec Usain Bolt, jackpot !

Citons encore Martine Wright dont le destin bascule brutalement en 2005 lorsqu'elle perd ses deux jambes dans l'attentat du métro de Londres, avant de devenir championne en volleyball assis. Ou Tatyana McFadden, née en Russie, atteinte d'un spina bifida (absence de fermeture postérieure du canal osseux) puis adoptée par une famille américaine qui, pour lutter contre la maladie, est encouragée à donner le meilleur d'elle-même dans le sport. Zahra Nemati, l'archère vedette de Rio, malgré sa paraplégie, est quant à elle, sélectionnée pour participer aux Jeux paralympiques et… olympiques ! Et lorsqu'en 2015, la Brésilienne aveugle Terezinha Guilhermina a pour guide, sur le 100 m, lors d'une exhibition… Usain Bolt, c'est le jackpot médiatique assuré !

Le handisport à la traîne

Là où le bât blesse, c'est donc davantage en termes de médiatisation du handisport dans son ensemble, même si Londres 2012 a marqué un tournant prometteur. Certains parlent même de « révolution » : des tribunes pleines à craquer et des caméras venues du monde entier. Depuis, le tempo va crescendo, notamment en France. France Télévisions a consacré 100 h de direct lors des Jeux de Rio, offrant au grand public un spectacle fascinant. Pour pérenniser cette montée en puissance, le groupe accueille, le 29 juin 2017, une journée de réflexion « Médias et handicap  en présence de toute la profession mais également de Sophie Cluzel, secrétaire d'État en charge des personnes handicapées. Faut-il en espérer une mobilisation d'envergure, à la fois médiatique et politique ?

Des exemples inspirants

La France a la chance d'avoir à la tête de son comité paralympique et sportif une femme, Emmanuelle Assmann. Selon elle, « c'est en mettant en valeur des héros que nous pourrons inspirer les générations de pratiquants à venir. Mais pour cela il faut des médailles, des performances. » Et de conclure avec une anecdote : « Après Sochi, une enfant de 10 ans me confiait qu'elle ne pensait pas que le ski était pour elle jusqu'à ce qu'elle découvre les performances de Marie Bochet à la télé. Toutes deux avaient le même handicap. » Grâce à l'impact des medias, ouvrir une fenêtre sur tous les possibles… et sur le talent des filles !

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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