Par Déborah Claude, Bertille Ossey-Woisard
"Une bataille mondiale de la compétence est engagée" et il ne faut pas "réformer à la marge", a déclaré la ministre du Travail lors de la présentation de la réforme sur la formation professionnelle devant la presse le 5 mars 2018 (dossier en lien ci-dessous). Elle s'inscrit dans un projet de loi contenant aussi des volets "apprentissage" et "assurance chômage", qui doit être présenté en conseil des ministres mi-avril pour un vote en septembre, et devrait s'intituler "pour la liberté de choisir son avenir professionnel".
Des formations longues
Le volet "formation professionnelle" s'appuie "largement" sur l'accord conclu le 22 février par les syndicats et le patronat, que la ministre du Travail a salué. Ce texte, âprement négocié pendant trois mois, contient, entre autres, un renforcement du compte personnel de formation (CPF). Le CPF comprendra aussi un dispositif destiné à remplacer le CIF (congé individuel de formation) pour les formations longues. Les partenaires sociaux avaient décidé une augmentation des heures (de 24 à 35 heures), et le gouvernement a retenu l'idée d'augmenter les droits à la formation mais en apportant une modification importante : le CPF va passer en euros.
Un compte en euros
"Les euros sont beaucoup plus concrets et lisibles pour chacun", a expliqué Mme Pénicaud, au grand dam des syndicats et du patronat, pour qui une comptabilisation en euros entraînera une inflation des coûts de formation et une baisse des droits. "Au contraire", a jugé Emmanuelle Pérès, déléguée générale de la Fédération de la formation professionnelle, interrogée sur RTL : "comme on va être sur un marché transparent, les prix seront bien transparents et connus de tous, et seront le bon équilibre entre l'offre et la demande". Avec la réforme, les salariés disposeront sur leur compte de 500 euros par an, plafonnés à 5 000 euros. Les personnes sans qualification auront 800 euros, avec un plafonnement à 8 000. "Pour les salariés en CDD, le compte sera crédité au prorata temporis", a ajouté Mme Pénicaud, de même que pour le travail à temps partiel.
Le "réel des gens"
Autre changement de taille : les sommes destinées à la formation seront collectées par les Urssaf, les organismes collecteurs des cotisations sociales. Les Urssaf transfèreront ces sommes à la Caisse des dépôts. Actuellement, la collecte est réalisée par les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca). Ces derniers seront profondément transformés pour devenir des "Opérateurs de compétences", des structures qui seront chargées, notamment, de financer les centres de formation d'apprentis (CFA). Dans leur accord, syndicats et patronat souhaitaient que les Opca continuent de collecter les fonds, dans un souci "d'efficacité et de visibilité". Le 4 mars, dans une tribune au JDD, le président du Medef Pierre Gattaz, tout en jugeant nécessaire de "réformer" les Opca et de les "pousser à être plus efficaces", s'était opposé à l'idée de "les supprimer".
Une agence France compétence
En outre, une agence nationale, baptisée "France compétences", sera créée et gérée par l'État, les organisations patronales et syndicales, et les régions. Parmi ses missions, la régulation des prix des formations, afin que les coûts "ne dérivent pas". La ministre du Travail, qui avait promis ni plus ni moins qu'un "big bang" du système, a souligné que cette réforme se ferait à "enveloppe constante" pour les cotisations des entreprises, soit 1,68% pour celles de plus de 11 salariés et 1,23% pour celles de moins de 11 salariés.
Réactions !
La CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises), tout en saluant globalement la réforme, a agité le risque d'une "usine à gaz" si l'Urssaf récupère la collecte des fonds, quand le Syndicat des indépendants (SDI) a qualifié le projet gouvernemental de "big flop". La Fnath (accidentés de la vie) s'est étonnée "qu'aucune mesure ne concerne spécifiquement les victimes du travail et les travailleurs handicapés" et souhaite qu'ils puissent bénéficier "d'une majoration du plafond annuel et global au même titre que les salariés non qualifiés" (article complet en lien ci-dessous). La formation professionnelle coûte chaque année environ 25 milliards d'euros. Les entreprises, dont les dépenses directes ne sont pas prises en compte dans ce total, en sont, malgré tout, les premiers financeurs.