Grand âge et handicap : un accompagnement dégradé?

Un milliard d'euros réclamés pour répondre aux besoins des personnes handicapées vieillissantes, un domaine sous investi par l'Etat. Défaut d'accès aux soins et à un accompagnement adéquat, pointe un rapport de la Cour des comptes.

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A cause d'un "défaut d'anticipation des pouvoirs publics", les personnes handicapées vieillissantes n'ont pas suffisamment accès aux soins et à un accompagnement adéquat, notamment à domicile, sont confrontées à des ruptures de parcours et peinent à trouver une place en institut spécialisé, pointe un très gros rapport de la Cour des comptes (143 pages) publié le 13 septembre 2023. Faute de les identifier ? En effet, selon les données de l'Irdes, il existe en France 9,7 millions de personnes atteintes de limitations motrices et 3,5 millions avec des troubles psychiques, intellectuels ou cognitifs. Parmi celles qui ont plus de 60 ans, à la croisée des secteurs du handicap et du grand âge, il n'est pas possible de distinguer les personnes en situation de handicap vieillissantes.

Investir un milliard d'euros

Le nombre de bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de plus de 50 ans a augmenté de 55 % entre 2011 et 2019. Or, cette évolution démographique, liée au vieillissement des générations nombreuses de l'après-guerre et à l'amélioration de l'espérance de vie des personnes en situation de handicap, n'a pas été anticipée par les pouvoirs publics, explique la Cour des comptes. L'institution appelle ainsi l'État à améliorer le pilotage public de l'offre médico-sociale et à investir un milliard d'euros par an pour répondre aux besoins de ces personnes.  "Le rapport révèle que les besoins croissants de cette population sont rarement satisfaits en raison de tensions sur l'offre d'accompagnement avec des conséquences parfois dramatiques sur les parcours et donc sur les individus", a résumé lors d'une conférence de presse Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes.

Moins accès aux soins

Près de 90 % des personnes handicapées vieillissantes vivent dans un domicile autonome. Elles ont "significativement moins accès" aux soins que la population générale, et seules 41% de celles qui en font la demande parviennent à bénéficier d'un service d'accompagnement à domicile. Il est également difficile d'obtenir une place en institut spécialisé, surtout pour les personnes handicapées plus âgées : 75% des demandes aboutissent pour les personnes de 25 à 29 ans, contre 33% de celles des plus de 45 ans.  En raison des tensions sur l'offre d'accompagnement, plus de 40 000 personnes handicapées vieillissantes sont accueillies en Ehpad : or, "l'Ehpad n'est pas toujours adapté, ils sont insuffisamment outillés pour ce public spécifique, ils ne peuvent devenir une situation acceptable d'hébergement que pour certains profils, à condition d'adapter la prise en charge", a souligné M. Moscovici.

Rupture de parcours fréquentes

Par ailleurs, les ruptures de parcours sont fréquentes, en particulier pour les travailleurs en établissement et service d'aide par le travail (Esat) logés en foyer, dont le logement est conditionné par l'emploi. Leur arrivée à la retraite marque souvent la fin de leur accompagnement médico-social, décrit le rapport. L'accompagnement insuffisant et les difficultés d'accès aux soins font que le vieillissement des personnes handicapées est "dégradé" par rapport à la population générale, dénoncent les Sages de la rue Cambon.

Une mission de repérage par les MDPH

Ils recommandent de confier aux Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) une mission de repérage des personnes handicapées vivant à domicile pour leur proposer, à partir de 50 ans, d'évaluer leurs besoins médico-sociaux liés au vieillissement. Ils préconisent également de créer un observatoire national du handicap chargé d'analyser les données du secteur en vue d'éclairer les politiques publiques. La cour réclame, par ailleurs, la création de 120 000 places de services à domicile.   

Enfin, leur vieillissement provoque un fort effet sur l'ensemble de l'offre médico-sociale par l'accroissement de la demande en établissements médicalisés, réduisant ainsi l'accès des plus jeunes adultes à une offre adaptée à leurs besoins. "Cette situation appelle une réponse globale déterminée", insiste le rapport.

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